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BULLETIN SCIENTIFIQUE DES ÉTUDIANTS DE PARIS

Voilà où nous en étions avant la période de la relativité, Nous avions, d’une part une théorie mécanique qui interprétait des phénomènes mécaniques et qui avait échoué à expliquer les autres ; nous avions, d’autre part, une théorie électromagnétique dont le développement avait permis d’expliquer entièrement l’optique.

On n’avait tout de mime pas perdu l’espoir de raccorder l’électromagnétisme avec la mécanique, et le conflit restait en quelque sorte sous-jacent. On n’était pas très sûr que les deux théories, l’une, la mécanique, basée sur l’idée de la propagation instantanée, l’autre, l’électromagnétisme, basé depuis Faraday sur l’idée de la propagation de proche en proche, n’arriveraient pas à se concilier.

Il a fallu l’introduction du principe de relativité pour montrer, d’une part que les deux conceptions étaient incompatibles, et d’autre part que c’était la seconde qui permettait vraiment d’obtenir l’explication des phénomènes de la physique. Cela a été la première période, celle que nous appelons la relativité restreinte.

Le conflit est devenu aigu lorsqu’on a eu une expérience cruciale pour confronter les deux points de vue. Tant qu’on était dans des phénomènes assez compliqués, on pouvait toujours un peu tergiverser et espérer. Au contraire, le phénomène crucial est apparu lorsqu’on a étudie ce qu’on a appelé l’électrodynamique ou l’optique des corps en mouvement, quand on s’est préoccupé de l’influence qu’exerçait le mouvement des corps sur les phénomènes électriques ou optiques qui s’y passent.

Je vous énonce tout de suite le résultat contenu dans ce qu’on appelle le principe de relativité restreinte et qui est le suivant : lorsqu’un système matériel est en état de translation rectiligne et uniforme, le mouvement d’ensemble de ce système n’influe pas sur les phénomènes qui peuvent se passer à son intérieur, quels que soient ces phénomènes.

Prenons deux systèmes matériels ayant des mouvements de translation uniforme différents. Le meilleur exemple qu’on en puisse prendre, c’est la Terre à six mois d’intervalle. Si nous prenons la Terre sur son orbite à six mois d’intervalle, elle est dans deux positions diamétralement opposées. Le mouvement relatif du globe terrestre dans ces deux positions est connu : il est de 60 kilomètres par seconde.

Eh bien, on a pu naturellement reproduire les mêmes expériences dans les mêmes conditions sur ces deux systèmes matériels constitués par la Terre dans ces deux positions se déplaçant l’une par rapport à l’autre à la vitesse de 60 kilomètres par seconde, et l’on a constaté qu’il n’y a aucune différence dans les deux cas. Jamais un physicien travaillant dans son laboratoire n’a besoin de se demander, pour prévoir ce qui va se passer, pour l’expliquer, à quel moment de l’année il est, quel est le mouvement d’ensemble de la Terre par rapport au Soleil, ou à une position de la Terre à un autre moment, ou encore par rapport à tels ou tels axes plus ou moins absolus qu’on voudra imaginer. L’expérience la plus constante des physiciens montre que le mouvement de translation uniforme d’ensemble d’un système matériel n’a aucune influence sur les phénomènes observés à l’intérieur de ce système.

En ce qui concerne les phénomènes mécaniques, vous savez que ceci s’interprète très bien au point de vue de la mécanique ancienne. Le fait que la façon dont un corps se comporte sous l’action d’une force est la même, que ce corps soit dans un wagon se déplaçant par rapport au sol, ou immobile par rapport à celui-ci, c’est-à-dire cette relativité, cette indépendance des lois du mouvement des corps et d’une translation d’ensemble s’interprète naturellement au point de vue mécanique. Mais les expériences mécaniques sont assez grossières ; elles ne sont pas comparables à beaucoup près aux expériences d’optique.

On a repris les expériences d’optique les plus délicates, en faisant exprès d’opérer sur la Terre à différentes époques, avec différentes orientations du système optique, et l’on a constaté qu’il n’y avait aucune espèce d’effet dû au changement dans le mouvement d’ensemble.

Le phénomène le plus intéressant à ce point de vue est le phénomène de la propagation uniforme de la lumière dans le vide ou dans l’air autour d’une source. La théorie électromagnétique nous donne comme conséquence nécessaire que la perturbation électrique ou lumineuse autour d’une source se propage avec une même vitesse dans toutes les directions. Cette conséquence de la théorie électromagnétique, nous pouvons la vérifier avec une extrême précision. La fameuse expérience de Michelson n’a précisément pas d’autre but que de vérifier que la lumière se propage avec la même vitesse dans toutes les directions. Il est plus commode de comparer des directions horizontales que des directions verticales, à cause de la pesanteur. Mais, en se limitant aux directions horizontales, l’expérience de Michelson nous permet de vérifier que dans le laboratoire la propagation de la lumière se fait bien ainsi.

On a l’idée en Amérique de faire cette vérification au sommet des montagnes, en supposant que l’expérience puisse être troublée dans un laboratoire trop près de la Terre, par entraînement de l’éther. On a répété cette expérience dans des endroits très divers et toujours avec le même résultat.