Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/67

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cependant pas suffisants et ne donnent qu’une souche sur laquelle les rameaux devront se développer, contrairement à ce que pensent les évangélistes modernes qui, perdant de vue l’origine du principe, font de l’énergie une idole nouvelle dont les incarnations multiples suffisent à tout représenter. Dans un article fameux paru en 1896 clans la Revue générale des Sciences, M. Ostwald[1] dit : « L'Énergétique imagine des symboles, mais, à la différence de la science antérieure, elle apporte un soin scrupuleux à ce que ces symboles ne contiennent rien de plus, rien de moins que les faits à représenter. » Et encore : « La théorie optique de l'avenir ne connaîtra dans l'espace que l'énergie dont la densité sera une fonction périodique du temps et des coordonnées, et cette fonction exprimera tout ce que nous savons sur les propriétés physiques de la lumière. » Ce rien de moins et ce tout paraîtront quelque peu excessifs à qui connaît la richesse et la complexité des phénomènes physiques.

Dans un sens un peu différent, ces avatars variés de l'énergie sont à la base de ce que M. Duhem expose et défend avec tant d'habileté sous le nom de Physique de la qualité[2], se recommandant d'Aristote pour remplacer la grandeur mesurable par une qualité qu'il

  1. Wilhelm Ostwald, chimiste allemand (1853-1932).
  2. Pierre Duhem. Revue Générale des Sciences, 1903. Pierre Duhem, physicien français (1861-1910) peut aussi être rangé parmi les adeptes d'Ernst Mach. Il a également été critiqué par Lénine (Cf. p. ex. Matérialisme et empiriocriticisme, p. 272: « Duhem, comme Mach, erre tout bonnement, ne sachant pas sur quoi étayer son relativisme »).