Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/77

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enfants qui étaient sa force et sa richesse, entra dans une forêt, où le reçut le saint Richi Outtanca. « Prince, lui dit ce solitaire, vous nous devez secours et protection, et je compte sur votre pouvoir. Il m’est impossible de suivre tranquillement les exercices de la pénitence. Près de mon ermitage, vers ces lieux plats et arides, s’étend une mer couverte de bancs de sable, et appelée Oudjdjânaca. Au sein de la terre, sous le sable, habite un Asoura, géant énorme et robuste, qui résiste à la puissance des dieux. Il est fils du Râkchasa[1] Madhou, et se nomme Dhoundhou. Il se livre aussi à de rudes pénitences, mais c’est pour la perte du monde. À la fin de l’année[2], quand le monstre respire, alors la terre tremble avec ses montagnes et ses forêts. Le vent de son souffle soulève une grande poussière qui couvre la route du soleil : pendant sept jours le sol s’agite, l’air est chargé d’une fumée noire, étouffante et mêlée d’étincelles. Voilà ce qui m’empêche de rester dans ma solitude. Pour le bien du monde, ô roi, donne la mort à ce géant. Que cet Asoura disparaisse, et que la confiance renaisse sur la terre. Toi seul

    donne Srâvantî, qu’il appelle aussi Dharmapattana. J’ignore si c’est la même ville Srâvastî, portée également sur les trois manuscrits.

  1. Le lecteur doit s’accoutumer à voir employés indistinctement les mots Asoura et Râkchasa, et même ceux de Dêtya et de Dânava. Ce sont les noms des ennemis des dieux. Au commencement de ce chapitre, on a vu figurer les Râkchasas : je suppose qu’on désignait par ce nom des peuplades sauvages, ou des pirates, qui forcèrent les habitants à se retirer sur les montagnes pour se mettre à couvert de leurs déprédations. Mais ici il me semble que le Râkchasa Dhoundhou est un être allégorique, servant à désigner un lieu aride, marécageux et malsain, où peut-être même était le siège d’un volcan, soit que ce phénomène fût accidentel ou permanent. Nos journaux racontent quelquefois des faits, sur lesquels les Indiens bâtiraient des contes mythologiques. Ainsi on lit dans le Courrier français du 5 octobre 1828, qu’en Murcie, entre Torre Laguna et Vieda, il existe un petit étang dont les eaux stagnantes rendent en tout temps le pays très malsain. Un jour, la chaleur du soleil enflamma les miasmes qui s’exhalent de cet étang, les flammes, enveloppées d’un tourbillon de fumée, mirent le feu au chaume des guérets, d’où il se communiqua à une montagne voisine, et détruisit toute la végétation. Cet incendie donna lieu à mille explications superstitieuses. On lit aussi dans le Constitutionnel du 15 avril 1829, qu’à Benifusar, il s’est formé quatre ouvertures, dont deux lancent de la lave, et les autres des vapeurs sulfureuses qu’on sent à plus d’une lieue de distance, et que les ouvertures formées sur l’emplacement de Torre Vieja jettent des torrents d’eau fétide. Je n’ai cité ces faits que pour chercher à rendre raison d’une fiction merveilleuse, qui peut être expliquée par une cause naturelle.
  2. En le faisant fils de Madhou, le poëte a voulu probablement nous indiquer le moment où le phénomène avait eu lieu. C’était aux approches du printemps : Madhou (मधु) signifie doux, et s’emploie pour désigner le mois de Tchêtra, mars-avril.