Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/159

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Bientôt de cette colonie papale d’Angleterre, conquise en cent ans par Augustin, Paulinus et Théodore, sortirent des hommes qui portèrent en pays barbare les idées et les sentiments dont ils étaient animés. Des missionnaires anglo-saxons allèrent convertir la Germanie et continuer ainsi l’œuvre commencée par les Bretons. L’antagonisme des deux Églises se retrouve encore ici : tandis que les Bretons agissaient en toute liberté, sans commune entente ni plan coordonné, les Anglais se laissent conduire et demandent à être conduits par la main du pape. Ils ne font pas un pas qui n’ait été permis par lui. Deux fois l’apôtre des Frisons, Willibrod, s’est rendu à Rome : la première fois, pour demander l’autorisation de prêcher l’évangile aux païens ; la seconde, pour y être sacré évêque. Mais le vrai conquérant de la Germanie est le moine anglo-saxon Winfrid, qui a donné à son nom la forme latine de Boniface. Ce Boniface, un Anglais triste, tourmenté par l’ennui, méthodique, formaliste, fut un serviteur passionné de l’Église de Rome. Il se représentait l’Église romaine comme une personne vivante qui ne peut ni tromper ni se tromper, et il l’aimait, comme ses sœurs des monastères, d’une mystique affection : « J’ai vécu dans la familiarité, dans le service du siège apostolique, in servitio apostolicæ sedis, et toujours j’ai confié au pontife toutes mes joies et toutes mes tristesses. » En l’an 719, au moment d’entreprendre son apostolat, il va s’agenouiller au pied du successeur des apôtres ; le pape le loue d’avoir « cherché la tête de ce corps dont il est membre, de se soumettre au jugement de cette tête et de marcher sous sa conduite dans le droit sentier. De par l’inébranlable autorité du bienheureux Pierre, il lui permet de porter l’un et l’autre Testament aux infidèles qui les ignorent. » Trois ans après, quand il a étudié le terrain de son action, Boniface vient faire son rapport au pontife, qui le consacre évêque, et il prête alors un serment qui le lie étroitement à Rome. C’était le propre serment que prêtaient les évêques suburbicaires, c’est-à-dire ceux qui étaient de temps immémorial soumis à l’autorité directe du pape ; mais il a été fait au texte de la formule une modification importante. Les évêques suburbicaires habitaient une terre impériale ; aussi