Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et-Paul ; les hommes, de la basilique de Saint-Étienne ; les veuves, de la basilique de Sainte-Euphémie ; les femmes mariées, de la basilique de Saint-Clément. Les sept troupeaux de fidèles, dont chacun était conduit par les prêtres d’une des régions, se dirigèrent, vêtus de noir, voilés et encapuchonnés, vers Sainte-Marie-Majeure. Ces grandes pompes mélancoliques, ces cérémonies et ces processions remplacent les fêtes d’autrefois et les triomphes. L’évêque, de qui procède toute la vie ecclésiastique, est le grand personnage de la cité ; son élection en est la principale affaire ; il tient une d’autant plus grande place dans la ville qu’il n’y est pas contenu tout entier et que son autorité se répand sur le monde. Dans les grandes journées, c’est lui qui paraît au premier plan. Il est allé au-devant d’Attila pour le détourner de Rome ; il a traité avec Genséric de la capitulation ; il a porté les clefs à Bélisaire ; il est, contre les Lombards, le vrai défenseur ; au besoin même, il traite avec eux comme s’il était le prince de la ville. Les produits des domaines de Saint-Pierre, bien administrés, lui permettent de faire chaque mois une distribution de vivres. Grégoire le Grand se croit si bien obligé de donner à manger aux Romains qu’ayant appris qu’un misérable était mort de faim dans la rue, il n’osa de plusieurs jours monter à l’autel. D’ailleurs, l’unique industrie de Rome est la construction et l’ornement des églises, et les architectes, maçons, peintres, sculpteurs, orfèvres sont les clients du pape. Parmi les travaux revient souvent la mention de la « restauration des murs » : c’est le pape qui l’entreprend et qui la paye. Fortifier la ville et nourrir les habitants, n’était-ce point faire office d’État ? L’évêque, par ces bienfaits quotidiens, préparait et légitimait l’autorité qu’il devait exercer un jour. Tout le servait : la ruine de l’ancienne Rome, la disparition des vieilles familles, la décadence de l’empire, l’invasion des Arabes, sa dignité apostolique, sa richesse.

Le pape était donc devenu capable de résister à l’empereur et, comme il n’arrive guère que l’on n’use point d’une puissance acquise, il en usa avec un grand éclat. L’occasion fut petite : il ne s’agissait point de défendre la foi, et l’empereur Léon l’Isaurien, contre lequel fut dirigée la révolte, n’avait remis en dis-