Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/194

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ils ont dû voir et imiter de bons modèles. On conserve à Utrecht un Psautier célèbre, exécuté en Angleterre, au VIIIe siècle probablement, par un artiste anglo-saxon, mais copié, semble-t-il, sur un manuscrit bien plus ancien. Le texte, écrit en capitales sur trois colonnes, est illustré de quantité de dessins ; sans doute l’artiste a trahi son inexpérience dans le tracé des têtes et des extrémités, mais une foule de détails prouvent que soit directement, soit indirectement, il s’inspirait d’images antiques….

C’est donc de l’art antique et de l’art anglo-saxon que procède, à notre sens, l’art carolingien ; les artistes du IXe siècle auront pu s’inspirer parfois de quelques peintures grecques connues d’eux, mais le cas est fort rare, et à mesure que l’on avance dans le siècle, l’art antique prédomine de plus en plus. Que l’on compare seulement l’Evangéliaire de Charlemagne de 781 et le Psautier de Charles le Chauve, et l’on comprendra la portée de notre observation.

Le premier est un remarquable produit du nouvel art à ses débuts. Écrit en 781 et présenté par le scribe Gotescalc au roi Charles durant un séjour de celui-ci à Rome, il renferme les évangiles de l’année ; il est écrit en lettres d’or sur parchemin de pourpre, avec titres en encre d’argent[1] ; chaque page se compose de deux colonnes renfermées dans des encadrements assez beaux, imités, semble-t-il, de manuscrits d’Angleterre ; on y retrouve bien quelques rinceaux rappelant l’ornementation antique, mais la majeure partie des motifs se compose d’entrelacs, de monstres, de dessins géométriques. Six peintures ornent le volume ; quatre d’entre elles représentent les évangélistes et leurs symboles, une cinquième le Christ dans sa gloire,

  1. [Les manuscrits écrits en lettres d’or, ou « chrysographiques », de l’époque carolingienne sont très nombreux. « Ils remontent, dit M. S. Berger, pour le plus grand nombre, au règne de Charlemagne, et même à la première partie de ce règne. L’Evangéliaire de Godescalc a été copié entre 781 et 785, le psautier d’Adrien Ier, s’il lui appartient réellement, est antérieur à 795, le Codex Adæ paraît antérieur à 803…. Il est probable que le plus grand nombre des manuscrits en lettres d’or sont sortis de l’école palatine. L’école palatine, en effet, fut dirigée, à partir de 782, par Alcuin, qui n’avait pas encore fondé l’école de Tours. » (Histoire de la Vulgate…, p. 277.)]