Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/229

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taire ; ainsi, pour n’en citer qu’un exemple entre tant d’autres, un roi carolingien, Louis III, celui-là même dont un poème en langage francique et la chanson de Gormond célèbrent la lutte contre les Normands, Louis III mourut âgé au plus de dix-neuf ans, un an après avoir battu les pirates du Nord, deux ans après qu’il eût conduit une expédition en Bourgogne contre le roi Boson.

Quoi qu’il en soit de l’origine de la comtesse Aalais, femme de Raoul de Gouy, son souvenir se conserva durant plusieurs siècles dans l’église cathédrale de Cambrai et dans l’abbaye de Saint-Géry de la même ville, à raison de legs qu’elle leur avait faits pour le repos de l’âme de son malheureux fils ; c’est du moins ce qu’attestent une charte de Liebert, évêque de Cambrai, rédigée vers 1050, et la chronique rimée vers le milieu du XIIIe siècle par Philippe Mousket….

Les mœurs féodales dans la première partie du Raoul portent en plus d’une strophe les marques d’une certaine antiquité ; il serait difficile toutefois de faire ici le départ de ce qui appartient véritablement au Xe siècle. L’hérédité des fiefs n’y est point encore complètement établie, mais il faut reconnaître que les remanieurs ne pouvaient guère, sans nuire à l’économie du poème, introduire sur ce point les coutumes de leur temps. La réparation à la fois éclatante et bizarre que Raoul offre à Bernier après l’incendie d’Origny[1], et qui est l’une des formes de l’harmiscara des textes carolingiens, semble encore un trait conservé de la chanson primitive sur la mort de Raoul, mais on sait combien il est difficile de renfermer dans des limites chronologiques la plupart des usages du moyen âge : telle coutume oubliée presque totalement en France a pu se perpétuer dans le coin d’une province ; elle a pu disparaître complètement de

  1. Voici en quoi consistait cette réparation : Raoul offrait de se rendre d’Origny à Nesle, localités qu’une distance de « 14 lieues » (en réalité 43 kil.) séparait, accompagné de cent chevaliers portant chacun sa selle sur la tête ; Raoul, chargé de celle de son ancien écuyer, aurait dit à toutes les personnes qui se seraient trouvées sur son chemin : « Voici la selle de Bernier ». Les hommes de Raoul trouvaient fort acceptable, pour Bernier, cette « amendise » que l’offensé refusa hautement.