Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/234

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et terrible est son nom » ; dont la gloire sans exemple et l’empire sans pareil, passé, présent et futur, ont été célébrés par les divins prophètes ; où sont les tombes des apôtres et des martyrs et les corps de tant de milliers de soldats du Christ ? »

C’était la même impulsion qui entraînait irrésistiblement le guerrier, le moine et l’érudit vers la cité mystique, qui était pour l’Europe du moyen âge bien plus que n’avait été Delphes pour la Grèce ou la Mecque pour l’Islam, la Jérusalem de la chrétienté, la ville qui avait jadis gouverné la terre et gouvernait à présent le monde des esprits incorporels. Car Rome offrait à chaque classe d’hommes un genre d’attractions particulier. Le pèlerin dévot venait prier devant la châsse du prince des apôtres ; l’amoureux des lettres et de la poésie rêvait à Virgile et à Cicéron parmi les colonnes renversées du Forum ; les rois germains venaient avec leurs armées chercher dans l’antique capitale du monde la source de la puissance temporelle.

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Rome ne possédait cependant aucune source de richesse. Sa situation était défavorable au commerce ; n’ayant point de marché, elle ne fabriquait aucune marchandise, et l’insalubrité de sa campagne, résultat d’un long abandon, en rendait la fertilité inutile. Alors déjà, comme aujourd’hui, elle s’élevait, solitaire et délaissée, au milieu du désert qui s’étendait jusqu’au pied même de ses murailles. Comme il n’y avait pas d’industrie, il n’y avait rien qui ressemblât à une classe bourgeoise. Le peuple n’était qu’une vile populace, toujours prompte à suivre le démagogue qui flattait sa vanité, plus prompte encore à l’abandonner au moment du péril. La superstition était pour lui une question d’orgueil national, mais il vivait dans le voisinage trop immédiat des choses sacrées pour les respecter beaucoup ; il maltraitait le pape et exploitait les pèlerins que ses autels attiraient en foule ; c’était probablement la seule classe d’hommes en Europe qui ne fournît aucune recrue aux armées de la Croix. Les prêtres, les moines et tous les parasites divers d’une cour ecclésiastique formaient une large part de la population ; le reste était entretenu, pour la