Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/402

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pâle, maigre, avec une longue barbe, qui parlait d’une manière entraînante en français, en tiois et en latin ; on l’appelait le « maître de Hongrie » ; il passait pour tenir, dans son poing constamment fermé, la charte de la Sainte Vierge qui lui avait confié sa mission. De Brabant, de Hainaut, de Flandre, de Picardie, une cohue de « pastoureaux » roula en quelques semaines jusqu’à Paris, grossie en chemin de vagabonds, de voleurs et de filles. Le peuple de France, s’il faut en croire le franciscain Salimbene, était animé contre l’Église officielle qui, après avoir recommandé l’expédition d’Égypte, abandonnait les croisés à leur sort, des sentiments les plus hostiles : « Les Français, dit Salimbene, blasphémaient en ce temps-là ; quand les frères prêcheurs et les frères mineurs demandaient l’aumône, les gens grinçaient des dents et, à leur vue, donnaient à d’autres pauvres, en disant : « Prends cela, au nom de Mahomet, plus puissant que le Christ ». Toujours est-il que les Pastoureaux, qui pourchassaient les clercs, furent d’abord bien accueillis. Ceux d’Amiens, les tenant pour de « saintes gens », les avaient ravitaillés. Dans Paris, ils étaient soixante mille, avec armes et bannières. « Leur chef, écrivait à ses frères d’Oxford le custos des franciscains de Paris, viole la dignité ecclésiastique ; il maudit les sacrements ; il bénit le peuple, il prêche, il distribue des croix, il a inventé un nouveau baptême, il fait de faux miracles, il tue les gens d’église. Lors de son arrivée à Paris, telle a été l’émotion populaire contre les clercs que, en peu de jours, on en a tué, jeté à l’eau, blessé un grand nombre ; un curé qui disait sa messe a été dépouillé de sa chasuble, on l’a couronné de roses, par dérision…. » Il paraît que le maître de Hongrie, reçu par la reine Blanche soit à Maubuisson, soit dans une autre des résidences royales des environs, l’avait si bien « enchantée que la reine et son conseil tenaient pour bon tout ce qu’il faisait ». On dit qu’il monta dans la chaire de l’église Saint-Eustache et prêcha en costume d’évêque, mitre en tête. En quittant Paris, les Pastoureaux, enivrés de leur popularité et de leur force, se divisèrent en plusieurs corps. Les uns allèrent à Rouen ; ils pénétrèrent de force dans la cathédrale et dans la maison archiépiscopale dont ils expulsèrent les clercs. D’autres,