Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/54

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nouvelle vie. L’Église triompha par ses martyrs ; l’orgueil romain plia ; Constantin vit la force intérieure de l’Église, les populations de l’Asie Mineure, de la Syrie, de la Thrace, de la Macédoine, en un mot de la partie orientale de l’empire déjà plus qu’à demi chrétiennes. Sa mère, qui avait été servante d’auberge à Nicomédie, fit miroiter à ses yeux un empire d’Orient ayant son centre vers Nicée et dont le nerf serait la faveur des évêques et de ces multitudes de pauvres matriculées à l’église, qui, dans les grandes villes, faisaient l’opinion. Constantin inaugura ce qu’on appelle « la paix de l’Église », et ce qui fut en réalité la domination de l’Église….

La réaction de Julien fut un caprice sans portée. Après la lutte vint l’union intime et l’amour. Théodose inaugura l’empire chrétien, c’est-à-dire la chose que l’Église, dans sa longue vie, a le plus aimée, un empire théocratique, dont l’Église est le cadre essentiel, et qui, même après avoir été détruit par les Barbares, reste le rêve éternel de la conscience chrétienne, au moins dans les pays romans. Plusieurs crurent, en effet, qu’avec Théodose le but du christianisme était atteint. L’empire et le christianisme s’identifièrent à un tel point l’un avec l’autre que beaucoup de docteurs conçurent la fin de l’empire comme la fin du monde, et appliquèrent à cet événement les images apocalyptiques de la catastrophe suprême. L’Église orientale, qui ne fut pas gênée dans son développement par les Barbares, ne se détacha jamais de cet idéal ; Constantin et Théodose restent les deux pôles ; elle y tient encore, du moins en Russie…. Quant à l’empire chrétien d’Occident, s’il périt bientôt, il ne fut détruit qu’en apparence… ; ses secrets se perpétuèrent dans le haut clergé romain…. Un saint empire, avec un Théodose barbare, tenant l’épée pour protéger l’Église du Christ, voilà l’idéal de la papauté latine au moyen âge….

E. RENAN, Marc-Aurèle, Paris, Calmann-Lévy, 1882, in-8º. Passim.