Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/69

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tout, même en Israël, où elle était la plus pure, la notion du divin, confondre la morale avec la religion, orienter vers le ciel des âmes qui n’avaient qu’un horizon terrestre, détruire les sacerdoces particuliers et les cultes locaux, placer tous et chacun en présence de Dieu, telle était la mission du christianisme. Il ne s’était point vu, il ne se verra plus jamais un pareil effort pour soulever la matière vers l’idéal ; mais la matière a pesé sur les ailes de l’esprit et l’a retenu entre ciel et terre, plus près de la terre que du ciel…. Là même où le Christ avait vécu, combien d’hommes étaient capables de faire de leur âme un temple du Christ ?

Les hommes ne se sentirent pas assez proches d’un Dieu qui remplissait le monde, et, partout présent, n’entrait nulle part en communication intime avec ses fidèles. Ils cherchèrent des échelons pour monter jusqu’à lui. Ils trouvaient dans les Écritures les esprits bons et mauvais ; ils leur donnèrent des formes plus précises. Parmi les démons se placèrent les dieux de l’ancienne mythologie, auxquels l’Église elle-même accorda une survivance étrange, sous la forme de tentateurs acharnés à la perdition des âmes. Une puissance miraculeuse funeste fut attribuée aux statues des anciennes divinités et aux ruines de leurs temples. Ce n’était pas seulement le populaire que ces imaginations troublaient. Le pape Grégoire le Grand raconte dans un de ses dialogues l’aventure d’un Juif, qui, surpris par la nuit, ne trouva point d’autre asile qu’un temple abandonné d’Apollon : les ténèbres et la solitude l’effrayèrent ; il avait entendu dire que les démons hantaient cette ruine, et, tout Juif qu’il fût, il se signa. Bien lui en prit ; car, à minuit, le temple se remplit de fantômes qui tinrent séance sous la présidence d’Apollon, auquel ils rendirent compte des tentations dont ils avaient assailli les chrétiens. Ainsi toute une légion infernale était organisée pour la guerre contre les âmes. Mais en face d’elle se rangea la légion céleste : le culte des anges s’organisa ; des églises furent placées sous l’invocation des plus grands, et chaque âme crut avoir son ange gardien. Ces purs esprits étaient encore trop élevés au-dessus de l’homme, et la terre vers laquelle ils descendaient n’était pas leur patrie : sur la route de la terre