Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/85

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de Grégoire, ce Rauching, qui appliquait sur les membres nus de ses serviteurs des torches allumées, jusqu’à ce que la brûlure fît tomber la chair et calcinât les os, rappelle ces Romains qui engraissaient les murènes de leurs viviers avec de la chair d’homme, ou ces matrones qui enfonçaient des épingles d’or dans le sein de leurs femmes. L’Église répète à ces Barbares la défense de tuer l’esclave ; elle y ajoute la défense de le vendre hors de la province et de séparer les époux qu’elle a unis au nom de Dieu. Elle fait plus : elle proclame « l’égalité du maître et de l’esclave devant le Dieu qui ne fait pas au ciel de différence entre les personnes ». Pourvue par la loi romaine du droit d’affranchissement qu’elle pratique dans ses temples, elle range la libération des esclaves au nombre des œuvres pies, et les formules, les lois mêmes, promettent au maître libérateur qu’il « recevra sa récompense dans la vie future auprès du Seigneur ». Elle traite bien ses propres serfs : dans la hiérarchie de la servitude, les serfs d’Église sont placés en tête à côté de ceux du roi. Bonne propriétaire, elle fait à ces ouvriers de ses domaines un sort supportable, et l’afflux des malheureux qui se réfugient sous sa protection prouve qu’alors déjà on savait ce que dira plus tard le proverbe : qu’il est bon de vivre sous la crosse.

L’Église accepte, il est vrai, mainte coutume barbare, par exemple, les épreuves judiciaires : quand un accusé, pour prouver son innocence, offre de tenir dans sa main un fer chaud, le fer est chauffé auprès de l’autel ; si l’accusé est jeté tout garrotté dans une cuve dont il doit toucher le fond, un prêtre bénit l’eau ; s’il doit se battre contre son adversaire, l’Église bénit les armes des deux champions. L’Écriture est employée à justifier ces bizarreries grossières : Dieu n’a-t-il pas sauvé Loth du feu de Sodome, Noé des eaux du déluge, et David n’a-t-il pas combattu en duel contre Goliath ? Comme Dieu était réputé manifester l’innocence et révéler le criminel, l’Église ne pouvait récuser le juge infaillible ; mais du moins sa bienfaisante influence se fait sentir dans les guerres privées : entre deux partis près d’en venir aux mains, elle « intervient », comme disent les formules, pour « rétablir la concorde et la paix ».