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ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE.

et que « l’idée d’un répertoire universel… embrassant… l’ensemble des sciences semble avoir acquis définitivement droit de cité dans l’opinion ». L’embarras serait seulement d’avoir un système de classification convenable et de régler les voies et moyens d’exécution.

5. — Le point de départ des divers promoteurs du « Catalogue universel » est exact : la masse totale des « productions imprimées de l’esprit humain » confond l’imagination. Essayons de préciser l’impression vague qu’on en a. Vers 1820, les estimations du nombre des livres imprimés oscillaient entre trois et quatre millions. Les estimations, faites en ces derniers temps, du nombre des articles qui paraissent chaque année dans les publications périodiques varient de cinq à six cent mille. Fritz Milkau se montre très modéré en évaluant, somme toute, à dix millions d’ouvrages ou d’opuscules pourvus d’un titre indépendant la production ancienne ou rétrospective, et à un demi-million la production annuelle. Telle grande bibliothèque publique reçoit ou acquiert 60 000 ouvrages par an. Enfin, l’activité de la librairie, qui a prodigieusement augmenté pendant la seconde moitié du xixe siècle (160 % pour la librairie allemande, de 1870 à 1890), ne se ralentit pas[1]. Dans vingt ans, le catalogue de la production littéraire et scientifique du monde représentera, au bas mot, vingt millions de titres, et, si l’on tient compte de la progression probable, vingt-cinq à trente millions. L’héritage littéraire de l’humanité aura numériquement doublé[2].

Ce n’est pas ici le lieu d’examiner les causes et de philosopher sur les conséquences de ces phénomènes considérables. Mais certaines conséquences ont sûrement quelque chose d’effrayant. Tous les spécialistes éprouvent une sensation d’accablement en présence de l’accroissement indéfini de la « littérature » sur les questions qu’ils connaissent, et de la concurrence pour les sujets qui devient de plus en plus

  1. L’augmentation annuelle du nombre des ouvrages imprimés est la règle, dans tous les pays. On a noté cependant quelques régressions locales et temporaires : c’est ainsi que la production annuelle des livres, en Italie, a passé de 11 054 en 1886 à 9 457 en 1895. Elle a été en Allemagne de 23 715 pour l’exercice 1899, contre 23 739 en 1898. La progression est particulièrement rapide en Russie : 17 805 en 1895 contre 10 660 en 1880.
  2. Fr. Milkau, o. c, p. 21 et s.