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[Lect. VII.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

lui que nous devons les vaches, les chevaux, les plantes, les eaux, les forêts.

6. Versons le soma en l’honneur du (dieu) puissant, libéral et généreux, qui possède la force de la justice, qui, noble héros, sait, tel que le brigand du grand chemin, dresser une embûche à l’impie[1], et distribuer ses dépouilles.

7. Ô Indra, le haut fait dont tu peux te glorifier, c’est d’avoir avec ta foudre réveillé Ahi, qui s’endormait[2]. Tu triomphes, et ta joie est partagée par tous les dieux, par leurs (saintes) épouses[3], et par ceux à qui leur vitesse donne des ailes[4].

8. Quand tu frappais Souchna, Piprou, Couyava, Vritra, ô Indra, tu brisais aussi les villes de Sambara[5]. Qu’ils nous protègent également, Mitra, Varouna, Aditi, la Mer, la Terre et le Ciel !


HYMNE X.

À Indra, par Coutsa.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Ô Indra, nous t’avons préparé ton siége au sacrifice ; viens, comme un coursier hennissant, occuper ta place. (Viens) à nos libations, poussant, excitant les chevaux ailés qui te transportent et le jour et la nuit.

2. Ces hommes viennent à Indra, implorant son secours. Qu’il daigne diriger leurs voies ! Que les Dévas (par leurs prières) détournent la colère de l’Asoura ; qu’ils amènent pour notre salut (le dieu) protecteur !

3. Voilà que Couyava, s’emparant du trésor des nuages, réserve pour lui seul l’onde écumante. Ses deux épouses[6] se baignent dans ce lait (céleste). Qu’elles soient frappées, et viennent grossir le cours de la Siprâ[7].

4. Le séjour d’Ayou[8], voisin (de ses ondes), en est submergé. Cependant le héros (céleste) éclate, épuisant le flanc (des nuages). L’Andjasî, la Coulisî et la Vîrapatnî[9] se gonflent, et portent dans leur sein le lait (tombé du ciel).

5. Quand nous apercevons la marche du Dasyou et qu’il se dirige vers notre demeure comme s’il en connaissait le chemin, ô Maghavan, alors défends-nous contre ses attaques. Ne nous dédaigne pas, comme le débauché (dédaigne) les richesses (qu’il prodigue).

6. Ô Indra, permets-nous de jouir du soleil et des eaux ! Donne-nous une vertu que les autres puissent vanter. Conserve le fruit que renferme le sein (de nos épouses). Nous avons foi en ta grande puissance.

7. Oui, je le confesse, j’ai foi dans un (dieu) tel que toi. Que ta libéralité nous comble de biens ! Indra, que nous invoquons avec ferveur, ne nous livre pas à l’indigence, et satisfais largement à notre faim et à notre soif.

8. Garde-toi de nous frapper, ou de nous délaisser. Ne nous enlève pas nos douces jouissances. Maghavan, ô Sacra, ne brise pas l’œuf qui contient (nos espérances) ! ne brise pas ces vases (de nos affections), ces tendres enfants qui se traînent sur leurs genoux !

9. Viens donc vers nous. On dit que tu aimes le soma. Nous t’en avons préparé : bois-en jusqu’à l’ivresse : remplis tes larges entrailles. Nous t’appelons, daigne nous écouter comme un père !


HYMNE XI.

À tous les dieux, par Coutsa.

(Mètres : Trichtoubh, et Mahâvrihatî.)

1. Tchandramas[10], poursuivant son vol à travers les vagues de l’air, s’avance dans le ciel. Ô rayons à la trace dorée, (l’œil)[11] ne peut trouver

  1. C’est-à-dire Vritra.
  2. Au moment de l’orage, les nuages amoncelés semblent stationnaires : un coup de foudre vient décider la pluie.
  3. C’est-à-dire les prières, comme nous l’avons vu.
  4. Les Marouts légers comme des oiseaux.
  5. Tous ces noms sont des noms d’Asouras, c’est-à-dire des désignations des formes diverses que prennent les nuages. Ces mots ont des sens qui, probablement, indiquent ces formes plus ou moins variées.
  6. L’imagination du chantre sacré nous dépeint l’Asoura comme placé entre deux nues qui sont ses épouses.
  7. C’est le nom d’une rivière : ce mot pourrait bien être un nom commun.
  8. C’est-à-dire de l’homme.
  9. Noms de trois rivières.
  10. Voy. p. 90, col. 2, note 1.
  11. Le commentateur suppose que cet hymne est de Coutsa, ou plutôt d’un certain Richi appelé Trita, fils des Eaux : l’hymne fut composé, dit-il, dans un moment où ce dernier, précipité dans un puits, ne pouvait apercevoir les rayons de la lune. Nous avons déjà vu (voy. p. 74, col. 1, note 4) une légende sur la naissance du personnage connu sous le nom de Trita. Ici, l’on raconte que trois Richis, Ecata, Dwita et Trita, voyageaient ensemble dans une forêt ; ils arrivèrent à un puits. Après s’être rafraîchis, les compagnons de Trita le jetèrent dans ce puits, et s’emparèrent de ses effets. Une autre légende considère Ecata, Dwita et Trita comme un seul et même personnage qui renaît jusqu’à trois fois. Le sens de cet hymne peut être allégorique, car Trita, c’est le soma personnifié ; il est dans le puits, c’est-à-dire dans le bassin qui contient la libation ; il aspire à en sortir, et adresse ses plaintes à tous les dieux. Il me semble même, d’après son nom, que Trita doit être spécialement la troisième libation, ou celle du soir. Après avoir été Ecata ou première libation, Dwita ou deuxième libation, ce personnage aspire à devenir Trita. J’ai entendu dans ce sens les détails de cet hymne du soir. Telle est la position des choses dans la première strophe : la nuit arrive, et la lune brille au ciel. On n’aperçoit plus les rayons du soleil. Le Richi ou plutôt Trita prend la parole.