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[Lect. III.]
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RIG-VÉDA. — SECTION DEUXIÈME.

n’a qu’une roue, et que traîne un seul cheval qui brille de sept rayons. La roue a trois moyeux[1], roue immortelle, infatigable, d’où dépendent tous ces mondes.

3. (Ou bien) ce char, qui a sept roues, est traîné par sept chevaux, et monté par sept personnages[2]. Sept sœurs[3] sont rassemblées (sur ce char), où sont placées aussi sept espèces de vaches (fécondes)[4].

4. Qui a vu, à sa naissance, (cet être) prendre un corps pour en donner à ce qui n’en a pas ? Où était l’esprit, le sang, l’âme de la terre ? Qui s’est approché de (ce dieu) sage, pour lui faire cette question ?

5. Faible, ignorant, je veux sonder ces mystères divins. Pour s’élever jusqu’à la connaissance de ce tendre nourrisson (qui enfantera l’année), les poëtes ont développé déjà les sept trames (de leurs chants)[5].

6. Ignorant et inhabile, pour arriver à la science j’interroge ici les poëtes savants. Quel est donc cet (être) incomparable qui, sous la forme de (l’astre) immortel, a fondé ces six mondes lumineux ?

7. Qu’il le dise, l’homme instruit dans le mystère du (dieu) fortuné qui traverse les airs ! Les vaches (célestes)[6] prennent le lait de celui dont la tête est si noble ; elles couvrent sa face, et avec leur pied elles tirent leur breuvage.

8. Au moment du sacrifice, la mère a d’abord, (avertie) par la prière, accueilli le père. Celui-ci, (conduit aussi par la prière), s’est uni à elle. Et la mère, dans l’orifice qu’elle porte, reçoit le germe du fruit qu’elle désire[7]. Cependant (les prêtres) poursuivent leurs adorations et leurs hymnes.

9. La mère a enfanté, et son fruit grandit au milieu des flots de la libation. Le (nourrisson, tel qu’un jeune) veau, a mugi après la vache[8] (du sacrifice). Dans les trois états[9] où il apparaît, il revêt diverses formes.

10. Toujours unique, quoique ayant trois mères et trois pères[10], il s’élève. Cependant (les prêtres) ne restent pas inactifs, et chargent le (dieu) resplendissant de leurs prières, qui sont riches en savoir, mais qui ne peuvent arriver partout[11].

11. La roue d’Agni, pourvue de douze rayons, tourne dans le ciel sans jamais s’arrêter. Ô Agni, sept cent vingt jumeaux[12] trouvent une place (sur le char).

12. On donne le nom de Pourichin[13] à leur père, quand il se trouve dans la partie méridionale du ciel ; et (ce père) y a cinq pieds[14] et douze formes[15]. Dans la partie septentrionale, il porte le nom Arpita[16], et sous une forme différente (il est porté sur son char), qui a sept roues[17] et six rayons[18].

13. La roue à cinq rayons[19] tourne donc avec tous les mondes. L’essieu, quoique chargé, n’est jamais fatigué ; le moyeu est parfaitement attaché, et doit durer sans connaître la vieillesse.

14. Garnie d’une jante immortelle, la roue tourne ; à l’extrémité du joug sont attelés dix porteurs[20]. L’œil du soleil s’avance, couvert

  1. Le commentaire veut que ces trois moyeux représentent trois saisons, ou les trois temps. La roue, dit-il, c’est l’année, ou plutôt le disque solaire.
  2. Ces personnages, suivant le commentaire, sont l’Ayana (semestre), le Ritou (saison), le Mâsa (mois), le Pakcha (demi-mois), le Divasa (jour), la Râtri (nuit), et le Mouhoûrtta (heure).
  3. Que sont ces sœurs ? Le commentateur pense que ce sont les six saisons, auxquelles il faut ajouter, pour compléter le nombre sept, le treizième mois complémentaire.
  4. Ces sept vaches sont les sept mâtris ou espèces d’ondes.
  5. Les sept espèces de mètres sur lesquels se composent les hymnes.
  6. Ce sont les rayons ou les nuages.
  7. Ce père et cette mère, suivant moi, ce sont les deux pièces de l’aranî. Jusqu’à présent nous avons vu qu’elles étaient appelées les deux mères : ici, il m’a semblé que la pensée de l’auteur était de supposer un mariage entre ces deux pièces, dont l’une (outtarâ), pour produire le feu, est introduite dans l’ouverture que présente la seconde (outlânâ). Le commentateur rapporte ce passage au ciel et à la terre, et se trouve forcé de faire violence aux mots et même à la grammaire. Voy. page 57, col. 1, note 4.
  8. C’est la libation qui nourrit et augmente le feu.
  9. Voy. page 146, col. 2, note 3.
  10. Le feu, étant triple, est considéré comme naissant trois fois, et comme devant ces naissances à des parents différents. Je n’ose dire jusqu’à quel point le commentateur est ici embarrassé, parlant des trois mondes et de leurs gardiens, des trois temps, etc. Je crois avoir été plus heureux que lui.
  11. Agni est le messager du sacrifice, et porte aux dieux les offrandes et les prières.
  12. Ce sont les jours et les nuits ; 360, nombre rond répété deux fois.
  13. Pourichin est l’ayana du midi : ce mot est traduit par aqueux.
  14. Ce sont les mois, le demi-mois, le jour, la nuit, et l’heure.
  15. Je suppose que ce sont douze pakchas ou demi-mois.
  16. C’est-à-dire, élevé. C’est l’ayana du nord.
  17. Voy. page 147, col. 1, note 1. Les roues sont ici ce que tout à l’heure il appelait pieds, ce que dans le vers suivant il va nommer rayons.
  18. Les rayons sont les six ritous ou saisons.
  19. Voy. page 147, col. 2, note 6.
  20. Je suppose que ce sont les dix points cardinaux.