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[Lect. VII.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

6. Ô Marouts, remplis des mêmes sentiments, venez à nos offrandes avec un zèle égal à celui qui nous amène à l’hymne du sacrifice. De même que vous remplissez la mamelle de la vache céleste, de même rendez la prière féconde pour votre chantre.

7. Ô Marouts, faites que le char de ce sacrifice suive chaque jour une heureuse carrière. Donnez l’abondance à vos chantres ; (donnez) au maître de maison la richesse, la prudence, le bonheur et la force invincible.

8. Quand les Marouts, parés de leurs colliers d’or, attellent leurs coursiers à leur char, et se disposent à répandre leurs trésors, comme la vache dans le pâturage donne son lait à son nourrisson, ils versent leurs bienfaits sur le peuple qui offre l’holocauste.

9. Ô Marouts, qui pouvez consolider (notre bonheur), défendez-nous contre le mortel dangereux qui médite notre perte ! Ô Roudras, percez-le de votre trait brûlant ; détruisez l’arme de ce perfide !

10. Ô Marouts, telle est votre puissance, telle est votre bonté, lorsque, en faveur de vos amis, vous pressez la mamelle de Prisni[1] ; ou bien lorsque vous (venez), invincibles fils de Roudra, venger Trita[2] qui vous invoque, et perdre les ennemis qui l’outragent.

11. Pleins de confiance dans la vertu de nos libations, nous vous invoquons, grands et puissants Marouts. Élevant la coupe (des offrandes) et chantant vos louanges, nous venons demander les nobles faveurs de ces (dieux) à la face dorée et au cœur généreux.

12. Les Angiras[3] les premiers, ont offert le sacrifice. Que les (Marouts)[4] viennent à nous avec l’Aurore. Voilà que l’Aurore, de ses lueurs rougeâtres, repousse la Nuit, et précède l’astre éclatant qu’entoure la troupe des vaches (célestes).

13. Les Roudras, parés de leurs ornements rougeâtres et retentissants, s’étendent au milieu des régions lumineuses. Avec une force rapide, ils pénètrent au sein des nuages, et s’y revêtent d’une forme magnifiquement brillante.

14. Ils sont nos protecteurs ; nous venons leur apporter nos hommages et réclamer leurs secours. Ceux que Trita appelait autrefois sous le nom des cinq sacrificateurs[5], je les presse également d’accourir à notre aide.

15. Ô Marouts, cette protection qui fait passer votre serviteur à travers le fleuve du mal, qui le délivre des atteintes de son ennemi, qu’elle descende vers nous ; que votre faveur devienne pour nous comme une vache nourricière !


HYMNE XII.

À Agni (appelé l’enfant des Ondes)[6], par Gritsamada.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Je me présente avec des offrandes et des hymnes. Qu’il reçoive et mes libations et mes prières, ce fils des Ondes (sacrées), qui se plaît au bruit de nos fêtes et dont la marche est si rapide, et qu’il nous accorde le bonheur et la beauté !

2. Nous voulons lui adresser cette prière, qui est bien l’œuvre de notre cœur : qu’il daigne l’écouter. L’enfant des Ondes (sacrées), par sa grandeur et sa force vitale, a donné naissance à tous les mondes dont il est le maître.

3. Parmi les Ondes, les unes vont avec lui, les autres viennent à lui : toutes le traitent comme le feu Oûrva[7]. Les Ondes pures environnent

  1. C’est-à-dire, du nuage, comme l’indique la note précédente, page 185, col. 2.
  2. Nous avons vu, page 74. col. 1, note 4 ; page 104, col. 2, note 3, que Trita est la libation personnifiée. Outrager Trita est donc le fait de l’impie.
  3. Le texte porte le mot dasagwa. Voy. page 80, col. 1, note 6. Le commentaire suppose que les Marouts, après des pratiques de dix mois, ont pris la forme des Angiras, et offert eux-mêmes le sacrifice. Il raconte une querelle survenue entre les Angiras et les Adityas ; querelle dans laquelle les Angiras obtinrent l’avantage par le moyen du sacrifice. Il serait fâcheux que, pour expliquer ce passage, on fût obligé de recourir à ce conte, inventé pour donner raison de ce vers. Nous avons vu ailleurs que les Angiras et les Marouts sont des agents du sacrifice. Les feux d’Agni doivent précéder et même engendrer les feux du soleil. Il est donc naturel que les Adityas soient vaincus par les Angiras.
  4. Dans le système du commentateur, ces mots seraient les paroles des Marouts offrant le sacrifice, et disant aux Adityas : « Que les Adityas ne viennent à nous qu’avec l’aurore. »
  5. Ces cinq sacrificateurs sont, à ce qu’il paraît, les cinq prânas, ou les cinq esprits vitaux (pantchaprânas).
  6. C’est-à-dire, Agni, né des libations, apâm napât. Le commentaire, traduisant ces mots plus littéralement, aquarum nepos, forme cette généalogie d’Agni. L’eau du ciel fait naître le bois, le bois donne la vie au feu ; le feu est ainsi le petit-fils des eaux.
  7. Agni est considéré comme Vêdyouta ou feu des nuages, et il habite alors au milieu des eaux. Il est encore considéré comme feu du sacrifice, et il est, sous cette forme, honoré par les eaux des libations qui viennent le trouver. Le feu nommé Oûrva est le feu des volcans sous-marins.