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[Lect. V.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

3. Ta vue est comme celle du soleil, elle est purifiante. Quand tu brilles, ta flamme s’élance inspirant la terreur. Le bûcher est le berceau où il est né ; et cette aimable demeure n’est pas celle (du Rakchasa) de la nuit ; c’est celle d’un (dieu) qui étonne par son bruit et console par sa lumière.

4. Sa crête est aiguë, son corps large et brillant, sa bouche dévorante, telle que celle du cheval. Ainsi que la hache, il lance sa langue. De même que l’orfèvre (amollit le métal), il semble fondre le bois qu’il dévore.

5. Tel que l’archer qui ajuste sa flèche, il prépare son arme. Il aiguise son rayon, comme (on aiguise) le tranchant du fer. Changeant de port et d’allure, tantôt il poursuit l’obscurité, ainsi que (le chasseur poursuit) l’oiseau ; tantôt il siége sur le bois du bûcher, ou bien il marche avec promptitude et légèreté.

6. Tel que (l’antique) Rébha[1], il revêt de splendeur les vaches (du sacrifice), et murmure sourdement, ami splendide et immortel, qui le soir et le matin, et (au milieu) du jour, allume ses feux (à la voix) des prêtres.

7. Brillant comme un soleil, le (dieu) généreux et magnifique résonne au milieu des branches (qu’il dévore) ; et, s’élançant d’un jet rapide, il va décorer de ses riches lueurs les deux nobles époux, le Ciel et la Terre.

8. Tantôt à ses propres rayons il semble, pareil à l’éclair, en ajouter d’autres, qui étendent son paisible éclat ; tantôt il brille avec force et puissance, tel que Ribhou[2], lassant la violence des Marouts.


HYMNE III.
À Agni, par Bharadwâdja.
(Mètre : Trichtoubh.)

1. Ô pontife, enfant de la Force, s’il est vrai que dans les sacrifices des fils de Manou tu veuilles accomplir les rites pieux, ô Agni, daigne aujourd’hui t’associer à notre pensée, et honore les dieux qui attendent nos hommages.

2. Qu’Agni, dès le matin, brillant à nos yeux comme un soleil, reçoive nos louanges et nos offrandes. Ce (dieu) qui est la vie de tous, immortel au milieu des mortels, (ce dieu) qui possède tous les biens, naît avec l’Aurore et devient notre hôte.

3. Les (chantres), tout couverts de ses feux, célèbrent sa grandeur. Et lui, resplendissant comme le soleil, revêt ses rayons lumineux. Il apparaît, purifiant, impérissable, et détruit, à l’orient, (les vapeurs ténébreuses) d’Asna[3].

4. Ô toi qui es notre fils[4], tu es digne de nos hymnes. Nourri des mets (du sacrifice), Agni est né pour nous dispenser la richesse et l’abondance. Ainsi, maître de la force, donne-nous la force : roi, donne-nous la victoire. Tu habites la maison d’un (homme) pieux et innocent.

5. (Agni) aiguise ses rayons protecteurs ; il dévore nos offrandes, et, comme le Vent, maître des régions (célestes), il triomphe (de l’obscurité) des nuits. Puissions-nous aussi vaincre celui qui ne te donne pas d’holocaustes ! (Puissions-nous), comme le coursier (vigoureux), repousser l’attaque des méchants !

6. Ô Agni, tel que le soleil, tu as couvert de tes rayons glorieux le ciel et la terre. Tes lueurs brillantes ont chassé les ténèbres, et dans ta marche rapide tu ressembles à l’enfant d’Ousidj[5], environné de splendeur.

7. Ô Agni, ô toi qui nous réjouis par l’éclat de tes rayons, nous t’honorons ; écoute-nous. Dieu rapide et non moins puissant qu’Indra, les plus sages d’entre les prêtres te présentent leurs riches offrandes.

8. Ô Agni, tu nous mènes heureusement à la fortune par les voies les plus sûres. Tu nous fais traverser le mal. Donne aux pères de famille et à ton chantre ces biens que tu possèdes. Puissions-nous vivre cent hivers, entourés de plaisirs et d’une généreuse lignée !


HYMNE IV.
À Agni, par Bharadwâdja.
(Mètre : Trichtoubh.)

1. En votre faveur j’invoque par mes prières le fils de la Force, qu’avec raison célèbrent nos

  1. Suivant le commentateur, Rébha est une épithète du soleil. Je pense que c’est le nom d’un Richi du sacrifice, d’un Rite personnifié. Il me semble qu’il a déjà été cité dans ce sens même, section II, lecture i, hymne vi, stance 10. Cependant comme Rébha veut dire chantre, le poëte pourrait bien avoir eu l’intention d’établir une comparaison entre Agni faisant entendre son murmure dans le sacrifice et le prêtre qui récite les prières.
  2. Ribhou est un de ces trois dieux qui portent le nom général de Ribhous. Le commentaire regarde ce mot comme synonyme de soleil.
  3. Nom d’un Asoura.
  4. Le commentaire sous-entend de la force.
  5. Le mot ôsidja signifie aussi prêtre. Ousidj, mère de Cakchivân, a été la souche d’une famille sacerdotale fort célèbre. Le prêtre, au moment du sacrifice, est couvert de l’éclat d’Agni, et brille comme le dieu lui-même. Le commentaire regarde le mot ôsidja comme un synonyme de soleil.