Page:Langlois - Rig Véda.djvu/43

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leurs divinités. Leur verve est inépuisable, et leurs hymnes sonores, comme ils les appellent, varient les images, les métaphores, les comparaisons, les allégories avec une richesse qui semble s’accroître de génération en génération : ainsi Nodhas, fils de Gotama, Prascanwas, fils de Ganwa, Parasara, petit-fils de Vasichtha, Samyou et Garga, fils de Bharadvadja, ont la même foi que leurs pères ; mais leurs chants ont peut-être encore plus d’éclat et d’originalité.

Du reste, plusieurs d’entre eux sont de véritables poëtes comme Bharadvadja, Caxivan, Coutsa, Gotama, Gritsamada, Sounahsépa, et surtout Viswâmitra, Vamadéva, Dirghâtamas et Vasichtha. Ce dernier est le plus fécond de tous : on compte cent seize hymnes sous son nom, tandis que le grand Dirghâtamas, le poète le plus penseur, le plus hardi et le plus brillant, n’en a composé que ving-sept. Il est vrai que, parmi ces chants tous inspirés et grandioses, outre Açwaméda, ce sacrifice du cheval si largement décrit, Dirghâtamas nous a laissé une sorte de poëme dithyrambique adressé aux Viçwadévas, à tous les dieux, et qui raconte dans un style magnifique l’ordre des phénomènes de la nature jusqu’alors incompris, la division des temps, des saisons, des mois, des jours, et où se manifeste la prescience d’un unique auteur de ces mouvements réguliers et splendides, qui émerveillèrent les premiers hommes avant même qu’ils s’en rendissent compte. Eh bien ! ces mystères divins, Dirghâtamas les explique avec cette inspiration du poëte, cette certitude du prêtre et cette conscience exaltée, qui font de lui une des plus grandes figures du Védisme. Il invoque tout d’abord Agni, le dieu toujours présent au sacrifice, et lui donne deux frères, le feu céleste, la foudre, et le feu du soleil, le rayon. Puis, énumérant les vertus du nombre fatidique sept, il démontre par sept rênes pour la direction d’un char qui n’a qu’une roue, les sept couleurs de l’arc-en-ciel. Mais tout à coup il interrompt sa démonstration par cette question audacieuse : « Qui a vu à sa naissance cet être divin prendre un corps pour en donner à ce qui n’en a pas ? Où était alors l’esprit, le sang, l’âme de la terre ? » Et à la strophe suivante, il déclare que, faible et ignorant, il n’en veut pas moins sonder ces mystères. Puis vient le grand détail de la création et Agni, transformé à la fois en astre flamboyant et en diviseur du temps, s’élance sur un char aux douze rayons (les douze mois), et emmène avec lui les sept cent trente jumeaux, c’est-à-dire les trois cent soixante-cinq jours et les trois cent soixante-cinq nuits.

Certainement les explications de Dirghâtamas sont un peu confuses ; il appelle tantôt pied, tantôt roue, tantôt rayon, les mois, les quinzaines, les jours, les nuits et les heures ; certainement il va un peu loin quand il accorde au poëte le don de consolider l’océan céleste, mais sa seconde expression où il dit qu’il suit la révolution du soleil, n’est-elle pas la preuve que la pensée humaine cherche déjà à s’expliquer la logique des mondes ? En tout cas, cette vaste allégorie, où il exalte à la fois les grandeurs d’Agni et les vertus de la libation, l’amène à des pensées d’une pénétration singulière pour une