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[Lect. I.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

qu’on appelle) Narâsansa, (le dieu) chéri et sacrificateur, dont la langue est si douce.

4. Agni, sur ton char bienheureux, amène les dieux ; ô toi, sacrificateur (appelé) Ilita[1], toi que Manou[2] a constitué (pour présider à nos fêtes) !

5. Mortels éclairés, étendez le gazon (sacré) ; qu’il soit arrosé de beurre à l’endroit où (les dieux) vont venir prendre leur ambroisie.

6. Qu’elles s’ouvrent, les portes divines (de l’enceinte sacrée, ces portes) que le sacrifice sanctifie ! qu’elles s’ouvrent aujourd’hui pour la pieuse cérémonie !

7. J’appelle à ce sacrifice la belle Nuit et la belle Aurore : qu’elles viennent toutes deux prendre place sur ce cousa.

8. J’appelle aussi ce couple de dieux[3] à la douce langue, sages et sacrificateurs : qu’ils aient leur part de notre sacrifice.

9. Que les trois déesses qui apportent la joie, Ilâ, Saraswatî et Mahî[4], daignent sans crainte s’asseoir sur ce cousa.

10. J’appelle ici le grand Twachtri[5], qui sait revêtir toutes les formes : qu’il soit notre ami !

11. Divin Vanaspati[6], donne aux dieux l’holocauste qui leur est destiné. Que la sagesse soit le partage de celui qui le leur offre !

12. En l’honneur d’Indra, employez la swâhâ[7] dans la maison du (père de famille) qui offre le sacrifice : c’est là que je convie les dieux.

HYMNE XIV.

À tous les dieux, par Médhatithi.

(Mètre : Gâyatrî.)

1. Agni, la fête (est préparée) ; nous t’invoquons. Viens avec tous les dieux goûter de nos libations, et consomme le sacrifice.

2. Les enfants de Canwa[8] t’appellent : ô sage (divinité), ils chantent ta prudence. Agni, viens avec les dieux.

3. Ils chantent aussi Indra et Vâyou, Vrihaspati[9], Mitra, Agni, Poûchan, Bhaga (et les autres) Adityas, et la troupe des Marouts.

4. (Ô dieux), on vous présente des boissons agréables et qui causent la joie, limpides, douces, reposant dans le tchamoû[10].

5. Les fils de Canwa te célèbrent, demandant ta protection, placés sur les couches de gazon purifié, et t’honorant de leurs holocaustes.

6. Avec tes coursiers, dont la croupe est arrosée de beurre consacré, et dociles à la pensée qui les attelle, amène ici les dieux à nos libations.

7. Près de ces dieux dignes de nos hommages, et alimentés par nos sacrifices, amène aussi leurs épouses[11] ; (divinité) à la langue brillante, fais qu’ils boivent de (nos libations, aussi douces que le) miel.

8. Agni, au moment où nous dirons vachat[12], que ces dieux adorables, que ces dieux dignes de nos chants, touchent de leur langue notre douce (ambroisie).

9. Sage et sacrificateur, tu peux amener ici, des régions lumineuses, tous les dieux éveillés par l’Aurore.

10. Agni, avec tous les dieux, avec Indra, avec

  1. Ce mot signifie chanté. Narâsansa, plus haut, signifie célébré par les hommes.
  2. Le nom de Manou est pris d’une manière générale pour signifier l’homme, ou d’une manière spéciale pour désigner le patriarche que les Indiens regardent comme le fondateur de leur race. Il me semble qu’on lui attribue, en plusieurs endroits, l’institution du culte du feu. L’expression Manourhita peut encore se traduire par constitué pour l’homme.
  3. La peinture que le poëte fait de ces deux divinités ne me permet guère de les identifier avec les Aswins. Ce sont, comme l’indique le commentaire, deux formes d’Agni, le feu de la terre et le feu de l’air. Ne serait-ce pas plutôt les deux sacrifices du matin et du soir ?
  4. Voy.  plus haut la note 1, p. 3, c. 1. Mahî, qui signifie grande, est une épithète de Bhârati.
  5. Twachtri est Agni considéré comme donnant la forme ; c’est le feu plastique. On lui attribue les objets d’art, il forge la foudre d’Indra : c’est le Vulcain de cette mythologie. Je suppose que Twachtri est la troisième forme d’Agni, répandue dans l’air et constituant la chaleur vitale.
  6. Mot à mot, maître du bois. C’est le feu présidant au bûcher du sacrifice, et même aux pièces de bois qui y sont employées, yoûpâgni.
  7. La swâhâ est une exclamation prononcée au moment de l’holocauste. On en fait une épouse d’Agni, car les prières sont les épouses des dieux.
  8. Canwa est un ancien sage, issu de race royale : rien en effet ne me semble, dans cet ouvrage, annoncer la distinction des castes. Canwa fut prêtre, et père de prêtres, mais non brahmane. Son père était Apratiratha (nommé peut-être aussi Ghora), descendant de Poûrou, prince de la dynastie lunaire. Il donna le jour à Médhâtithi, auteur de cet hymne, d’où sortirent les Canwas, dévoués au service des autels. Le commentateur regarde quelquefois le mot Canwa comme un nom commun, signifiant sage, prêtre.
  9. Personnages mythologiques au nombre de douze : ce sont les douze formes du soleil, regardées comme les fils d’Aditi.
  10. Le chamoû ou tchamasa est un vase qui contient le soma : c’est aussi la cuiller avec laquelle on le sert. Quelquefois ou emploie ce mot pour le filtre de peau à travers lequel on passe la boisson pour la clarifier, et même aussi peut-être pour le pressoir.
  11. Les épouses des dieux sont les prières particulières que l’on dit en l’honneur de chacun de ces dieux.
  12. Exclamation usitée au moment de l’holocauste.