Page:Lanne - Le Mystère de Quiberon, 1904.djvu/19

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passant, moins attiré par le souvenir du massacre que par le goût des horizons immenses où disparaissent les hommes, poussait sa retraite jusque dans Quiberon.

À chaque pas qu’il faisait le long de ce qu’on appelle « la falaise » — expression fausse, puisque la définition de la falaise implique une idée de hauteur, et que le pays, sauf en certaines parties de la côte sauvage, de toutes les façons, est démesurément plat, — malgré son indifférence, l’histoire de 1795 le sollicitait. Du sang criait autour de lui dont il fut amené à chercher les raisons.

Il avait vu, à la Chartreuse d’Auray, des squelettes déplacés dans un but ecclésiastique et lucratif. Ces débris passaient pour les ossements des émigrés traînés prisonniers depuis Quiberon et fusillés deux kilomètres plus loin que leur tombeau, au « Champ des Martyrs » vidé de ses cadavres.

Une femme montrait ces ossements vagabonds. Au bout d’une corde, elle descendait dans la fosse une lanterne sourde, et quand on interrogeait ce guide sur les tibias, les fémurs, les clavicules ou péronés gisant dans l’ombre, on n’entendait point de réponse.

La clarté était vague. La femme était muette. Pourtant elle savait demander l’aumône. Aux lueurs de son mendiant falot, j’ai cru voir toute l’histoire : l’histoire qui se tait sur les origines des faits, demande des subsides pour ses professeurs et reste bien empêchée de donner une réplique quelconque quand on lui dit : Pourquoi ?

Ce pourquoi de l’affaire de Quiberon, le passant le cherchait, à tout hasard, pour son plaisir, dans l’examen