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Page:Lanne - Le Mystère de Quiberon, 1904.djvu/388

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Son Altesse Royale m’a écrit deux lettres que voici en original, pour demander encore l’ordre de son retour ; cela m’a paru si fâcheux, si honteux, que j’ai différé l’envoi de cet ordre ; il était expédié depuis quelques jours et je devais l’envoyer, ajouta-t-il : en voici l’original. Il consistait à laisser Monsieur libre de prendre le parti qu’il voudrait ; mais Son Altesse Royale n’a pas jugé à propos de l’attendre. Elle a quitté l’Île-Dieu par sa propre volonté et vient d’arriver à Portsmouth, où elle est en rade à bord de la frégate le Jason, attendant de savoir à quel endroit elle peut aller. Eh bien, Messieurs ! que voulez-vous que nous fassions désormais pour une cause que l’on ne veut pas servir[1] ? »


Ces lignes, écrites en 1806, et où trois ambassadeurs et un ministre vivant alors sont cités comme témoins, ne peuvent être suspectes d’aucune exagération. Elles contiennent virtuellement toute l’explication de l’affaire de Quiberon.

Le comte d’Artois avait sincèrement brigué ce commandement lorsqu’on formait le plan de l’expédition ; quand le moment fut venu de le prendre, il cherchait à s’y soustraire et bravait la honte d’une reculade, parce qu’un intérêt plus puissant que toutes les considérations, forçait son auguste frère à la lui ordonner. Contraint pourtant par le respect humain et par l’inéluctable nécessité d’engagements pris, il se résignait à cette pitoyable et criminelle comédie de tirer son épée en sollicitant l’ordre de la remettre au fourreau et donnait au plus loyal soldat de la cause royale le

  1. Mém. de Vauban, p. 337 et suiv.