Page:Lanne - Une officine royale de falsifications, 1903.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arrêter le développement. Mais l’écroulement de tout ce qui avait entouré sa jeunesse, les désastres inouïs de sa famille, les deuils cruels qui l’avaient frappée, les rigueurs de la captivité, l’horrible compression d’une longue solitude, les amertumes de l’exil, avaient fait avorter l’épanouissement de tout ce qui aurait été fleur ou fruit et favorisé la croissance anormale de tout ce qui était sarment et frondaison stérile. Certains symptômes d’une fâcheuse sécheresse de cœur avaient déjà excité les inquiétudes de sa mère ; les épreuves auraient pu la tempérer et l’adoucir ; elles l’avaient, au contraire, endurcie à l’excès. Malheureuse orpheline ! abandonnée sans protection et sans soutien consolateur à toutes les horreurs de la réclusion et à toutes les épouvantes, pour ne pas défaillir dans la lutte incessante contre le désespoir, il lui avait fallu refouler tous les élans de son cœur et tous les tumultes de sa pensée, et armer son âme d’une cuirasse impénétrable. Qui oserait lui refuser quelque pitié si, par l’effet de cette contrainte et sous la pression de ces efforts continus, tous les germes de sensibilité, de générosité active, de puissance communicative, étaient morts étouffés à jamais ? Il en était résulté une espèce