Page:Lanson - Corneille, 1922.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
129
l’action et l’intrigue.

sont construites pour une ou deux situations de grand effet. Ces combats de la naissance et du mérite, dans Don Sanche, qui ne sont pas mis en discours, mais en action, plus qu’en action, en spectacle, ces disputes de seigneurs pour un siège, ces titres entassés en noms sonores sur la tête du soldat de fortune par une reine amoureuse, tout cela saisit l’imagination comme des scènes de Ruy Blas ou d’Hernani ; et ce don Sanche, qui fait sonner si fièrement sa roture, qui brave les grands et a l’amour de deux reines, ce beau cavalier campé en posture d’aventurier héroïque, la main sur la garde de l’épée, il semble bien que sa vraie patrie soit le « boulevard » d’il y a quarante ans, et son vrai nom Mélingue.

Dans Rodogune, les quatre premiers actes ne sont que des préparations pour arriver au terrible cinquième : une coupe de poison est là, préparée pour le héros. Mais qui l’a préparée ? Sa mère, ou sa femme. Il faut que ce soit l’une des deux, et il a autant de raisons de soupçonner l’une que l’autre.

Dans Héraclius, il s’agit d’arriver à poser ceci : un tyran a un fils et un ennemi ; il aime le fils et veut tuer son ennemi ; mais des deux jeunes gens qui s’offrent à son affection ou à sa haine, il ne sait lequel est son fils, lequel est son ennemi. Quoi qu’il fasse, il risque d’embrasser son assassin ou d’assassiner son enfant. Rien ne lui peut éclaircir ce doute.

De telles situations sont tout à fait en dehors du caractère de la tragédie classique ; elles ne fournissent de matière à aucune analyse psychologique. Elles sont purement pathétiques, faites pour serrer