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l’action et l’intrigue.

défendre Rome : sa victoire fait entrer Camille en ligne, et Camille oblige Horace à donner une seconde et différente expression de son fanatisme patriotique.

Polyeucte, après une courte lutte, va au baptême. Il en sort renouvelé : en vertu de ce premier effort, il devient capable du second, le bris des idoles, par où il passe à une autre action ; il cède la terre pour avoir le ciel ; il résigne Pauline à Sévère et court au martyre. Il a ainsi d’un bout à l’autre réalisé son caractère dans une série d’actes qui sortent naturellement les uns des autres.

Mais aussi, quand les actes du héros se multiplient ainsi, il faut que les obstacles aussi se multiplient : d’où la grande part d’action remise aux personnages secondaires, pour fournir au héros les obstacles, pour disposer les circonstances à travers lesquelles il trouvera sa voie. Dans le Cid, don Gormas, les Maures, don Sanche marquent les trois étapes de l’héroïsme de Rodrigue. Dans Polyeucte, Pauline, Néarque, Félix, à tour de rôle et diversement, tentent d’arrêter l’héroïque élan de Polyeucte. La volonté du personnage fournit la force qui crée l’action, les personnages secondaires donnent la matière de l’action possible ou nécessaire.

Si l’on songe que plus d’une fois le héros n’est pas seul, et entouré d’âmes médiocres ou mauvaises, mais que souvent, à côté de lui, une autre volonté également noble fournit parallèlement sa carrière, et que d’ailleurs même les personnages inférieurs ou mauvais ont aussi leurs fins auxquelles ils sont sérieusement appliqués, on se représentera aisément la quantité de travail contenue et produite dans