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CORNEILLE.

comédienne. Il saluait le départ de la belle indifférente d’une pièce charmante, dont on vient de lire quelques vers. Il terminait gaillardement la déclaration de son tourment par cette bravade :

Ainsi parla Cléandre, et ses maux se passèrent,
Son feu s’évanouit, ses déplaisirs cessèrent :
Il vécut sans la dame, et vécut sans ennui,
Comme la dame ailleurs se divertit sans lui.

C’était faire contre mauvaise fortune bon cœur.

Il retira du moins un profit de cette dernière aventure ; il y prit l’idée d’un caractère de vieillard amoureux, sans folie et sans ridicule, qu’il se plut à réaliser dans un Sertorius et un Martian : il se trouva sans doute ainsi mieux payé de ses inquiétudes par lui-même qu’il n’eût pu l’être par la dame.

Au moment où, sur l’invitation de Fouquet, il venait de se rengager au théâtre. Corneille prit une résolution qui bouleversa sa vie. Il vint, à la fin de 1662, résider à Paris. Il avait eu quelque temps la jouissance d’une chambre à l’hôtel de Guise : c’était une faveur que le duc faisait à un poète de marque, et dont Tristan avait bénéficié avant Corneille. Mais, lorsqu’il amena sa nombreuse famille, il lui fallut un domicile plus large : il s’installa rue des Deux Portes, puis rue de Cléry, et enfin, vers 1681 ou 1682, rue d’Argenteuil, où il mourut. Les raisons du déménagement de 1662 sont assez obscures. Espéra-t-il reprendre plus aisément la faveur du public ? ou plutôt crut-il qu’il serait en meilleure posture pour négocier avantageusement avec les trois troupes de comédiens de l’Hôtel, du Marais et du Palais-Royal ? Comme il avait perdu en 1661 la pension de Fou-