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l’histoire et la politique.

tard, qu’une transposition tragique de cet Alidor. Pour justifier l’étrange procédé de cet amoureux, Corneille écrivait dans la dédicace de sa pièce : « L’amour d’un honnête homme doit être toujours volontaire : on ne doit jamais aimer en un point qu’on ne puisse n’aimer pas ; si on en vient jusque-là, c’est une tyrannie dont il faut secouer le joug ; et enfin la personne aimée nous a beaucoup plus d’obligation de notre amour, alors qu’elle est toujours l’effet de notre choix et de son mérite, que quand elle vient d’une inclination aveugle, et forcée par quelque ascendant de naissance à qui nous ne pouvons résister. » Le voilà dans ces lignes qui prend position ; et jusqu’à la fin, pendant quarante années, son œuvre sera l’affirmation, la glorification de notre liberté.

Aussi peut-on considérer l’idée de la volonté comme le principe générateur de la tragédie cornélienne : choix et couleur des sujets, emploi de l’histoire, dessin des caractères et des passions, action et intrigue, style enfin et vers, tout procède de là.

Lorsqu’on relit la liste des tragédies de Corneille, on s’aperçoit qu’il a rarement repris les sujets traditionnels, ceux qui, des Grecs aux Romains, des anciens aux Italiens, des anciens et des Italiens aux Français, et des poètes du xvie siècle à ceux du xviie, passaient de main en main comme la matière par excellence du poème tragique. Sauf Médée, Œdipe, Sophonishe, on peut dire qu’il offre des sujets neufs, dont la valeur tragique est découverte par lui. Horace avait été traité une fois : mais précisément, si le drame pathétique y est facile à découper, c’est un