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LA JEUNESSE DE VOLTAIRE.

taires. Houdart de La Motte, Lesage, Marivaux, Mme de Lambert, Mlle Delaunay nous définissent bien ce type intellectuel, qui ne s’incline plus que devant les convenances du monde, et aussi devant les considérations de la prudence mondaine.

La Régence n’a pas créé le libertinage : elle n’y ajouta que la sécurité et l’affichage public. Toute la doctrine est déjà dans Saint-Evremond. Ôter à la raison la connaissance de Dieu et de l’immortalité qui sont déclarées avec un respect ironique matières de foi, aimer la tolérance, détester la persécution et la guerre civile par scepticisme, par urbanité, par humanité, régler la vie selon la nature par la raison, c’est à-dire rejeter le christianisme comme antinaturel, et réhabiliter le corps et ses besoins, garder la mesure dans la poursuite du plaisir, par sagesse pour ne pas se nuire, par bienveillance pour ne pas gêner les autres hommes, voilà la substance diluée dans les trois in-quartos que Desmaizeaux publiait à Amsterdam en 1705 : la bonne compagnie parisienne y conformait sa pratique. En dehors même de l’incrédulité déclarée, générale était la tendance à détacher la vie des fins et des sanctions ultra-terrestres, et à ne s’occuper que de la chasse au bonheur ici-bas.

À la fin du xviie siècle, le déisme français commence à se déclarer dans quelques livres qui s’impriment en Hollande, dans la curieuse Histoire des Sévarambes de Denis Vairasse (1677), et dans le hardi Voyage au Canada de La Hontan (1703)[1]. Locke et

  1. Complété et renforcé en 1704 par le Dialogue avec un sauvage de l’Amérique.