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VOLTAIRE.

sur le joli petit théâtre qui est installé dans le grenier : « les décorations sont en colonnades avec des pots d’orangers entre les colonnes ». Une seule loge, où la dame du château peut monter de sa chambre par un escalier dérobé. Des peintures claires et lestes décorent les murs. À peine arrivée, Mme de Graffigny reçoit un rôle. On joue l’Enfant Prodigue, et l’on répète Zaïre qu’on jouera le lendemain. C’est par moments une fièvre. « Dans les vingt-quatre heures nous avons répété et joué trente-trois actes, tant tragédies, opéras, que comédies ». Quand le théâtre chôme, on a les marionnettes, « la pièce où la femme de Polichinelle croit faire mourir son mari en chantant fagnana ! fagnana ! » Ou bien Voltaire donne la lanterne magique « avec des propos à mourir de rire », où il met amis et ennemis, Richelieu avec Desfontaines.

Au milieu de ces folies, un travail forcené. À l’ordinaire Mme du Châtelet y passe la nuit ; elle dort deux heures. Voltaire s’enferme tout le jour chez lui, arrive parfois au milieu du souper, et court au sortir de table se remettre à son secrétaire. Mais il a ses détentes, des moments délicieux. Il est « aussi aimable enfant que sage philosophe ». Pourtant « furieusement auteur » ; il ne faut louer personne devant lui, et il entre en fureur au nom de Rousseau.

Il est enfant gâté, boudeur. Il boude pour un verre de vin du Rhin que Mme du Châtelet veut l’empêcher de boire, parce qu’il lui fait mal, pour un habit qu’elle veut lui faire ôter. Ils se querellent en anglais à tout propos.

Il est déjà l’éternel malade, se droguant à sa fan-