Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 5.djvu/119

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influence soit très-petite ou nulle, la seconde force prédomine et le corps prend l’état liquide. Les molécules intérieures ^ont alors mobiles entre elles ; mais l’attraction de chaque molécule par les molécules qui l’environnent et par leur calorique retient leur ensemble dans le même espace, à l’exception des molécules de la surface, que le calorique enlève sous la forme de vapeurs, jusqu’à ce que la pression de ces vapeurs arrête cet effet. Enfin, quand, par un nouvel accroissement de calorique, la troisième force l’emporte sur les deux autres, toutes les molécules du liquide, à l’intérieur comme à la surface, s’écartent entre elles : le liquide prend subitement un volume et une force expansive très-considérables, et il se dissiperait en vapeurs s’il n’était pas fortement contenu par les parois du vase ou du tube qui le renferme. C’est à cet état de gaz très-comprimé que M. Cagniard-Latour a réduit l’eau, l’alcool, l’éther, etc. Dans cet état, les deux premières forces sont encore sensibles ; mais la densité du fluide ne satisfait point à la loi de Mariotte. On verra dans la suite que, pour y satisfaire, ainsi qu’à la loi de MM. Dalton et Gay-Lussac, il est nécessaire que le fluide soit réduit à l’état aériforme, dans lequel la troisième force devient la seule sensible [1]. Dans cet état, la densité du gaz contenu dans un vase est partout la même, excepté dans les points très-voisins des parois, à une distance égale ou plus petite que le rayon de la sphère d’activité sensible des forces attractives et révulsives.

On doit faire ici une remarque importante. Les phénomènes de chaleur que présentent les passages des corps de l’état solide à l’état liquide et de l’état liquide à l’état de vapeurs ont fait distinguer dans les molécules deux espèces de chaleur ; l’une libre ou sensible au thermomètre, l’autre insensible au thermomètre ou latente. Une quantité considérable de calorique est absorbée dans ces passages et devient

  1. Ne peut-on pas admettre avec vraisemblance que le calorique des molécules aériennes exerce sur le calorique des molécules d’un corps réduit en parties très-fines une force révulsive d’autant plus grande que ces molécules se rapprochent plus de la ténuité des molécules de l’air, ce qui doit contribuer à soulever ces parties et à les retenir pendant longtemps dans l’atmosphère ? N’est-ce pas ainsi que les vapeurs vésiculaires qui forment les nuages s’y maintiennent suspendues ?