Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 5.djvu/34

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supposer plus d’énergie à des causes semblables à celles qui ont produit les affaissements dont l’histoire a conservé le souvenir. L’affaissement d’une partie du bassin de la mer en découvre une autre partie d’autant plus étendue que la mer est moins profonde. Ainsi de vastes continents ont pu sortir de l’Océan sans de grands changements dans la figure du sphéroïde terrestre. La propriété dont jouit cette figure, de différer peu de celle que prendrait sa surface en devenant fluide, exige que l’abaissement du niveau de la mer n’ait été qu’une petite fraction de la différence des deux axes du pôle et de l’équateur. Toute hypothèse fondée sur un déplacement considérable des pôles à la surface de la Terre doit être rejetée, comme incompatible avec la propriété dont je viens de parler. On avait imaginé ce déplacement pour expliquer l’existence des éléphants dont on trouve les ossements fossiles en si grande abondance dans les climats du nord, où les éléphants actuels ne pourraient pas vivre. Mais un éléphant que l’on suppose avec vraisemblance contemporain du dernier cataclysme, et que l’on a trouvé dans une masse de glace, bien conservé avec ses chairs, et dont la peau était recouverte d’une grande quantité de poils, a prouvé que cette espèce d’éléphants était garantie par ce moyen du froid des climats septentrionaux, qu’elle pouvait habiter et même rechercher. La découverte de cet animal a donc confirmé ce que la théorie mathématique de la Terre nous apprend, savoir que, dans les révolutions qui ont changé la surface de la Terre et détruit plusieurs espèces d’animaux et de végétaux, la figure du sphéroïde terrestre et la position de son axe de rotation sur sa surface n’ont subi que de légères variations.

Maintenant, quelle est la cause qui a donné aux couches du sphéroïde terrestre des formes à très peu près elliptiques et de densités croissantes de la surface au centre, qui les a disposées régulièrement autour de leur centre commun de gravité et qui a rendu sa surface très-peu différente de celle qu’elle eût prise si elle avait été primitivement fluide ? Si les diverses substances qui composent la Terre ont eu primitivement, par l’effet d’une grande chaleur, l’état fluide, les plus denses ont dû se porter vers le centre ; toutes ont pris des formes elliptiques, et la surface