Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 5.djvu/36

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l’adhérence des molécules diminue extrêmement leur compression mutuelle, et elle empêcherait la masse entière de prendre la figure régulière qu’elle aurait dans l’état fluide, si elle s’en était primitivement écartée. Ainsi, dans cette hypothèse même sur la constitution de la Terre comme dans toutes les autres, la fluidité primitive de la Terre me paraît nécessairement indiquée par la régularité de la pesanteur et de la figure de sa surface.

Toute l’Astronomie repose sur l’invariabilité de l’axe de rotation de la Terre à la surface du sphéroïde terrestre et sur l’uniformité de cette rotation. La durée d’une révolution de la Terre autour de son axe est l’étalon du temps ; il est donc bien important d’apprécier l’influence de toutes les causes qui peuvent altérer cet élément. L’axe terrestre se meut autour des pôles de l’écliptique ; mais, depuis l’époque où l’application du télescope aux instruments astronomiques a donné le moyen d’observer avec précision les latitudes terrestres, on n’a reconnu dans ces latitudes aucune variation qui ne puisse être attribuée aux erreurs des observations, ce qui prouve que l’axe de rotation a, depuis cette époque, répondu à très-peu près au même point de la surface terrestre ; il paraît donc que cet axe est invariable. L’existence d’axes semblables dans les corps solides est connue depuis longtemps. On sait que chacun de ces corps à trois axes principaux rectangulaires, autour desquels il peut tourner uniformément, l’axe de rotation demeurant invariable. Mais cette propriété remarquable est-elle commune aux corps qui, comme la Terre, sont recouverts en partie d’un fluide ? La condition de l’équilibre du fluide s’ajoute alors aux conditions des axes principaux ; elle change la figure de la surface lorsque l’on fait changer l’axe de rotation. Il s’agit donc de savoir si, parmi tous les changements possibles, il en est un dans lequel l’axe de rotation et l’équilibre du fluide sont invariables. Pour cela, je fais voir que, si l’on fait passer très-près du centre de gravité du sphéroïde terrestre un axe fixe autour duquel il puisse tourner librement, la mer pourra toujours prendre sur la surface du sphéroïde un état constant d’équilibre. Je donne, pour déterminer cet état, une méthode d’approximation, ordonnée suivant les