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sur les probabilités.

ces erreurs est le plus solide argument des philosophes qui ont voulu proscrire la peine de mort. Nous devrions donc nous abstenir de juger, s’il nous fallait attendre l’évidence mathématique. Mais le jugement est commandé par le danger qui résulterait de l’impunité du crime. Ce jugement se réduit, si je ne me trompe, à la solution de la question suivante. La preuve du délit de l’accusé a-t-elle le haut degré de probabilité nécessaire pour que les citoyens aient moins à redouter les erreurs des tribunaux, s’il est innocent et condamné, que ses nouveaux attentats et ceux des malheureux qu’enhardirait l’exemple de son impunité s’il était coupable et absous ? La solution de cette question dépend de plusieurs élémens très difficiles à connaître. Telle est l’imminence du danger qui menacerait la société si l’accusé criminel restait impuni. Quelquefois ce danger est si grand, que le magistrat se voit contraint de renoncer aux formes sagement établies pour la sûreté de l’innocence. Mais ce qui rend presque toujours la question dont il s’agit insoluble, est l’impossibilité d’apprécier exactement la probabilité du délit et de fixer celle qui est nécessaire pour la condamnation de l’accusé. Chaque juge, à cet égard, est forcé de s’en rapporter à son propre tact. Il forme son opinion,