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essai philosophique

que chaque individu peut avoir sur l’objet de son jugement.

Nous agissons souvent en vertu de notre croyance, sans avoir besoin d’en rappeler les preuves. La croyance est donc une modification du sensorium, qui subsiste indépendamment de ces preuves quelquefois entièrement oubliées, et qui nous détermine à produire les actes qui en sont les conséquences. Suivant le principe que nous venons d’exposer, une répétition fréquente de ces actes peut faire naître cette modification, surtout s’ils sont répétés à la fois par un grand nombre de personnes ; car alors, à la force de leur réaction, se joint le pouvoir de l’imitation, suite nécessaire de la sympathie. Quand ces actes sont un devoir que les circonstances nous imposent, la tendance de l’économie animale à prendre l’état le plus favorable à notre bien-être, nous dispose encore à la croyance qui les fait exécuter avec plaisir. Peu d’hommes résistent à l’action de toutes ces causes.

Pascal a bien développé ces effets, dans un article de ses Pensées, qui a ce singulier titre : qu’il est difficile de démontrer l’existence de Dieu par les lumières naturelles, mais que le plus sûr est de la croire. Il s’exprime ainsi en s’adressant à un incrédule. « Vous voulez aller à la foi, et