Page:Laplace - Exposition du système du monde, 2e ed, 1798.djvu/214

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pouvoient avancer ou reculer ce terme, d’un mois ; il remarqua d’ailleurs, " qu’un corps qui passe dans des régions aussi éloignées, et qui échappe à nos yeux pendant des intervalles aussi longs, pourroit être soumis à des forces totalement inconnues, telles que l’action des autres comètes, ou même de quelque planète toujours trop distante du soleil pour être jamais apperçue " . Le géomètre eut la satisfaction de voir sa prédiction accomplie. La comète passa au périhélie, le 12 Mars 1759, dans les limites des erreurs dont il croyoit son résultat susceptible. Après une nouvelle révision de ses calculs, clairaut a fixé depuis, ce passage au 4 avril, et il l’auroit avancé jusqu’au 25 Mars, c’est-à-dire à treize jours seulement de distance de l’observation, s’il eût employé la masse de saturne donnée dans le second chapitre. Cette différence paroîtra bien petite, si l’on considère le grand nombre des quantités négligées, et l’influence qu’a pu avoir la planète uranus dont l'existence au temps de clairaut, étoit inconnue. Remarquons à l’avantage des progrès de l’esprit humain, que cette comète qui dans ce siècle, a excité le plus vif intérêt parmi les géomètres et les astronomes, avoit été vue d’une manière bien différente, quatre révolutions auparavant, en 1456. La longue queue qu’elle traînoit après elle, répandit la terreur dans l’europe déjà consternée des succès rapides des turcs qui venoient de détruire l’empire grec : le pape callixte ordonna à ce sujet, une prière par laquelle on conjuroit la comète et les turcs. Dans ces temps d’ignorance, on étoit loin de penser que le seul moyen de connoître la nature, est de l’interroger par l’observation et le calcul. Suivant que les phénomènes arrivoient et se succédoient avec régularité, ou sans ordre apparent ; on les faisoit dépendre des causes finales, ou du hasard ; et lorsqu’ils offroient quelque chose d'extraordinaire, et sembloient contrarier l’ordre naturel, on les regardoit comme autant de signes de la colère céleste. Mais ces causes imaginaires ont été successivement reculées avec les bornes de nos connoissances, et disparoissent entièrement devant la saine philosophie qui ne voit en elles, que l’expression de l’ignorance où nous sommes, des véritables causes. Aux frayeurs qu’inspiroit alors l’apparition des comètes, a succédé