Page:Laplace - Exposition du système du monde, 2e ed, 1798.djvu/259

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dans ses mouvemens, aucune résistance ; l’instant de la pleine mer seroit celui du passage du soleil au méridien supérieur ou inférieur ; mais il n’en est pas ainsi dans la nature, et les circonstances locales font varier considérablement l’heure des marées, dans des ports même fort voisins. Pour avoir une juste idée de ces variétés, imaginons un large canal communiquant avec la mer, et s’avançant fort loin dans les terres : il est visible que les ondulations qui ont lieu à son embouchure, se propageront successivement dans toute sa longueur, en sorte que la figure de sa surface sera formée d'une suite de grandes ondes en mouvement, qui se renouvelleront sans cesse, et qui parcourront leur longueur, dans l’intervalle d’un demi-jour. Ces ondes produiront à chaque point du canal, un flux et un reflux qui suivront les loix précédentes ; mais les heures du flux retarderont, à mesure que les points seront plus éloignés de l’embouchure. Ce que nous disons d’un canal, peut s’appliquer aux fleuves dont la surface s’élève et s’abaisse par des ondes semblables, malgré le mouvement contraire de leurs eaux. On observe ces ondes, dans toutes les rivières près de leur embouchure : elles se propagent fort loin dans les grands fleuves ; et au détroit de pauxis dans la rivière des amazones, à quatre-vingts myriamètres de la mer, elles sont encore sensibles. Considérons présentement l’action de la lune, et supposons que cet astre se meut uniformément dans le plan de l’équateur. Il est clair qu’il doit exciter dans l’océan, un flux et un reflux semblable à celui qui résulte de l’action du soleil, et dont la période est d’un demi-jour lunaire ; or on a vu dans le livre précédent, que le mouvement total d’un systême agité par de très-petites forces, est la somme des mouvemens partiels que chaque force lui eût imprimés séparément ; les deux flux partiels produits par les actions du soleil et de la lune, se combinent donc sans se troubler, et de leur combinaison, résulte le flux que nous observons dans nos ports. De-là naissent les phénomènes les plus remarquables des marées. L’instant de la marée lunaire n’est pas toujours le même que celui de la marée solaire, puisque leurs périodes sont différentes. Si deux de ces marées coïncident ; la marée lunaire suivante retardera sur la marée solaire, de l’excès d’un demi-jour lunaire sur un demi -jour