Page:Laplace - Exposition du système du monde, 2e ed, 1798.djvu/346

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la propriété de ne faire jamais perdre de vue son objet, et d'éclairer la route entière qui conduit des premiers axiomes, à leurs dernières conséquences ; au lieu que l’analyse algébrique nous fait bientôt oublier l’objet principal, pour nous occuper de combinaisons abstraites ; et ce n’est qu’à la fin, qu’elle nous y ramène. Mais en s' isolant ainsi des objets, après en avoir pris ce qui est indispensable pour arriver au résultat que l’on cherche ; en s’abandonnant ensuite aux opérations de l’analyse, et réservant toutes ses forces pour vaincre les difficultés qui se présentent ; on est conduit par la généralité de cette méthode, et par l’inestimable avantage de transformer le raisonnement, en procédés mécaniques, à des résultats souvent inaccessibles à la synthèse. La théorie du systême du monde, offre un grand nombre d’exemples de ce pouvoir de l’analyse à laquelle cette théorie doit une perfection qu’elle n’eut jamais acquise, si l’on se fût obstiné à suivre la route tracée par newton. Telle est la fécondité de l’analyse, qu’il suffit de traduire dans cette langue universelle, les vérités particulières ; pour voir sortir de leurs seules expressions, une foule de vérités nouvelles et inattendues . Aucune langue n’est autant susceptible de l’élégance qui naît du développement d’une longue suite d’expressions enchaînées les unes aux autres, et découlant toutes, d’une même idée fondamentale. L’analyse réunit encore à ces avantages, celui de pouvoir toujours conduire aux méthodes les plus simples ; il ne s’agit que de l’appliquer d’une manière convenable, par un choix heureux des inconnues, et en donnant aux résultats, la forme la plus facile à construire géométriquement, ou à réduire en calcul numérique. Aussi les géomètres de ce siècle, convaincus de sa supériorité, se sont principalement appliqués à étendre son domaine, et à reculer ses bornes. Cependant, les considérations géométriques ne doivent point être abandonnées : elles sont de la plus grande utilité dans les arts. D’ailleurs, il est curieux de se figurer dans l’espace, les divers résultats de l’analyse ; et réciproquement, de lire toutes les affections des lignes et des surfaces, et toutes les variations du mouvement des corps, dans les équations qui les expriment. Ce rapprochement de la géométrie et de l’analyse, répand un nouveau jour sur ces deux