Page:Laplace - Exposition du système du monde, 2e ed, 1798.djvu/61

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étoiles situées au nord, augmente, et celle des étoiles situées au midi, diminue ; quelques-unes même, deviennent invisibles. La première notion de la courbure de la terre, est due, sans doute, à l’observation de ces phénomènes qui ne pouvoient pas manquer de fixer l’attention des hommes, dans les premiers âges des sociétés, où l’on ne distinguoit les saisons et leur retour, que par le lever et le coucher des principales étoiles, comparés à ceux du soleil. L’élévation ou la dépression des étoiles fait connoître l’angle que les verticales élevées aux extrémités de l’arc parcouru sur la terre, forment au point de leur concours ; car cet angle est évidemment égal à la différence des hauteurs méridiennes d’une même étoile, moins l’angle sous lequel on verroit du centre de l’étoile, l’espace parcouru, et l’on s’est assuré que ce dernier angle est insensible. Il ne s’agit plus ensuite, que de mesurer cet espace : il seroit long et pénible d’appliquer nos mesures sur une aussi grande étendue ; il est beaucoup plus simple d’en lier, par une suite de triangles, les extrémités à celles d’une base de douze ou quinze mille mètres, et vu la précision avec laquelle on peut déterminer les angles de ces triangles, on a très-exactement sa longueur. C’est ainsi que l’on a mesuré l’arc du méridien terrestre, qui traverse la France depuis Dunkerque, et se termine à Montjoui près de Barcelone : la partie de cet arc, dont l’amplitude est la centième partie de l’angle droit, et dont le milieu répond à 51° de hauteur du pôle, est d’un million cent soixante et dix-neuf décimètres.

De toutes les figures rentrantes, la figure sphérique est la plus simple, puisqu’elle ne dépend que d’un seul élément, la grandeur de son rayon. Le penchant naturel à l’esprit humain, de supposer aux objets, la forme qu’il conçoit le plus aisément, le porta donc à donner une forme sphérique, à la terre. Mais la simplicité de la nature ne doit pas toujours se mesurer par celle de nos conceptions. Infiniment variée dans ses effets, la nature n’est simple que dans ses causes, et son économie consiste à produire un grand nombre de phénomènes souvent très-compliqués, au moyen d’un petit nombre de loix générales. La figure de la terre est un résultat de ces loix qui, modifiées par mille circonstances, peuvent l’écarter sensiblement de la sphère. De petites variations observées dans la