Page:Lapointe - Une voix d’en bas - Échos de la rue, 1886.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mes sœurs, souvenons-nous
De notre père, hélas ! riche de vos seuls charmes.
Quoi ! rien pour ce vieillard ? rien ! vous êtes sans larmes ?
Oh ! non, ce n’est pas vous !

De ces hommes, comment, rien ne vous scandalise ?
Mais la corruption vient de qui nous méprise.
Mes sœurs, souvenons-nous
Du foyer où l’amour guidait votre innocence.
Quoi ! de ce temps vos cœurs n’auraient plus souvenance ?
Oh ! non, ce n’est pas vous !




Quel tumulte soudain s’élève des tavernes !
Sur quoi se répand donc le feu des lampes ternes ?
Ces spectres vacillants qui s’accrochent aux murs,
Ces cadavres gisants au fond des coins obscurs,
Qui sont-ils ? et pour qui ces fantastiques scènes,
Ces rires hébétés et ces poses obscènes ?
Ah ! c’est l’ivrognerie, abrutie, en haillons,
Livide, qui se tord dans Ses convulsions !
Voici des brocs à terre et des cruches brisées,
Sur des bancs en éclats des tables renversées ;
Et tout déguenillés, les pieds hors des sabots,
Sur des verres cassés trépignent les marmots.
O pauvreté ! voilà ta chute inévitable !
Ces hommes harassés, désespérés, défaits,
Ne sachant du mépris où déposer le faix,
Ont recherché l’oubli qui dort sur une table !

La capitale est sourde. On lui signale en vain
Ces malades qui sont tout barbouillés de vin.