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Page:Lapointe - Une voix d’en bas - Échos de la rue, 1886.djvu/20

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césarienne, soit, mais nous pourrions bien avoir quelque chose de pire : le fanatisme qui s’attache aux sectes. L’unité de croyance s’en va ; ceci n’est pas un bien.

Il y a comme une tendance, dans les âmes qui se prétendent filles de la lumière, à déposer la religion du sentiment. Je vois naître à travers les bruits de bourse, la fumée des locomotives et la poussière des démolitions, je ne sais quelle religion industrielle et féodale qui ne tendrait rien moins qu’à remplacer Jésus par Mercure. On nous prépare une restauration de faux dieux : un dieu bon sens, une déesse raison. À qui s’en prendre ? Faut-il accuser la science de la sottise des savants ! Alors maudissons le travail et toutes les merveilles de l’intelligence, ce rayon de Dieu enfoui dans le cerveau de sa créature et qui, la plaçant au faite de l’échelle des êtres, la rapproche d’autant plus de sa divinité. Ne faisons donc pas la guerre à l’infatigable chercheuse, qui elle aussi est en quête d’un reposoir pour abriter les douleurs toujours saignantes de l’humanité. Cependant, en lui faisant un juste accueil, je ne puis me décider, au nom de je ne sais quel naturalisme brutal, dont on voudrait faire une religion positiviste, à porter la hache dans le saint gibet qui depuis deux mille ans sanctifie tous les sacrifices et encourage tous les dévouements. La raison