Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/198

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J’apprends la patience aux hommes inconnue,
Et mon cœur apaisé vit d’espoir et d’oubli.

Mais l’homme fait la guerre aux forêts pacifiques ;
L’ombrage sur les monts recule chaque jour ;
Rien ne nous restera des asiles mystiques
Où l’âme va cueillir la pensée et l’amour.

Prends ton vol, ô mon cœur ! la terre n’a plus d’ombres
Et les oiseaux du ciel, les rêves infinis,
Les blanches visions qui cherchent les lieux sombres,
Bientôt n’auront plus d’arbre où déposer leurs nids.

La terre se dépouille et perd ses sanctuaires ;
On chasse des vallons ses hôtes merveilleux.
Les dieux aimaient des bois les temples séculaires,
La hache a fait tomber les chênes et les dieux.

Plus d’autels, plus d’ombrage et de paix abritée,
Plus de rites sacrés sous les grands dômes verts !
Nous léguons à nos fils la terre dévastée,
Car nos pères nous ont légué des cieux déserts.


II

Ainsi tu gémissais, poète, ami des chênes,
Toi qui gardes encor le culte des vieux jours.
Tu vois l’homme altéré sans ombre et sans fontaines….
Va ! l’antique Cybèle enfantera toujours !

Lève-toi ! c’est assez pleurer sur ce qui tombe ;
La lyre doit savoir prédire et consoler ;