Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/223

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De ses seins non voilés la neige ardente et pure
S’élève et resplendit dans la sombre verdure ;
Sur sa hanche onduleuse un de ses bras descend ;
Une urne, d’où les eaux coulent en gémissant,
À l’autre sert d’appui ; tout est repos en elle ;
Un immobile éclair enflamme sa prunelle ;
Le silence divin sur ses lèvres sourit ;
À peine si la vie autrement s’y trahit,
Tant son souffle est subtil, et dans son cœur paisible
Glisse sans soulever un mouvement visible.
Son âme cependant déborde, et par ses yeux
Sa parole jaillit en ruisseaux radieux,
Et sur l’heureux songeur s’épanchant tout entière,
D’un rayon prolongé va toucher sa paupière.
Lui, sent par tout son être, ébloui, palpitant,
Ce regard de déesse et d’amante pourtant,
Qui, dans sa fixité lumineuse et limpide,
D’un baiser continu lui verse le fluide.

Ainsi, jusqu’au matin, dans l’extase bercé,
Sous un astre amoureux, il dormait caressé.
Illuminant son cœur d’une clarté suprême,
La vierge aux yeux perçants le contemplait de même ;
L’urne et les rameaux verts chantaient divinement ;
Et c’était chaque nuit égal enivrement ?

Or, dans la grotte, après quelques jours, son vieux maître
Un homme au large front, des bois auguste prêtre,
Descendant des hauts lieux, rentra : car, tous les ans,
Sa main savante et douce aux mortels languissants,
Dans le désert, aux pieds des neiges virginales,
Cueillait, sous l’œil de Dieu, les fleurs médicinales.