Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/231

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Les Zéphirs l’avaient-ils semé sur les collines,
Avec ces frais baisers que les lis amoureux,
Sous leur voile d’argent, se prodiguent entre eux ?

Avant ces blonds cheveux, ces bras roses et frêles,
Aviez-vous, Hermia, des plumes et des ailes ?
Aviez-vous fait des nids, et sifflé des chansons,
Et joué, sous la feuille, avec les gais pinsons ?
Vous habitiez, sans doute, en ces forêts plus chaudes,
Où le soleil revêt les oiseaux d’émeraudes,
Où les arbres géants sont constamment fleuris
De papillons nacrés et de verts colibris,
Et sur leurs troncs vêtus d’un réseau de lianes,
Ont, la nuit, des colliers d’insectes diaphanes ?
Peut-être qu’en mourant, sur un lac argenté,
Vous étiez un beau cygne, et vous avez chanté ?
Ou plutôt, tour à tour source, oiseau, chêne et rose,
Vous avez recueilli l’esprit de toute chose,
Et des êtres divers traversés jusqu’à nous,
Gardé ce qu’en chacun Dieu sema de plus doux.
Comme au seuil d’un tombeau, triste au moment de naître,
Devant l’humanité vous hésitiez peut-être.
Dis-nous, âme du lis et du cygne chanteur,
L’homme sombre et pensif sans doute t’a fait peur ;
Et, pour rester encor calme, ignorante et pure,
Tu voudrais prolonger ta première nature
Au sein de l’univers, heureux d’être toujours
Exempt de la pensée et débordant d’amour !
Tu pleures des oiseaux les plumes vagabondes
Et la robe d’azur dont s’habillent les ondes ;
Des bourgeons au soleil l’épanouissement,
Et de l’être en ton cœur ce vague sentiment