Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/239

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Mais vous, arbres et fleurs, vous, nature où tout aime,
Attachés à ses flancs vous vivez de lui-même !

Les grands arbres ainsi, les herbes des forêts
Etaient ses confidents et ses maîtres secrets ;
Mais chez l’homme, où la foule eût insulté ses rêves,
Ses paroles, toujours, étaient rares et brèves ;
Pourtant sur l’âme ou Dieu des mots inattendus
Ont laissé bien souvent les sages confondus.

Par une voix magique au désert appelée,
Quand la vierge, aux lueurs de la nuit étoilée,
S’en allait respirant l’extase au fond des bois,
Entre elle et sa pensée elle souffrait, parfois,
Le disciple amoureux dont l’âme ardente et pure
Sut l’adorer comme elle adorait la nature.

Sous les chênes sacrés, sans suivre de chemin,
Ensemble nous marchions nous tenant par la main,
Tous les deux le front ceint des fleurs qu’elle a tressées
Et le cœur enchaîné dans les mêmes pensées.
Par les grandes forêts et les prés, jusqu’au jour,
Nous montions sans fatigue, oublieux du retour
Pas à pas dans la nuit azurée et limpide,
Échangeant d’un regard l’étincelle rapide ;
Sans parole tous deux, mais plus étroitement
Sa main serrait la mienne et tremblait par moment.
Et moi, dans ce silence aux douceurs infinies,
J’entendais à grands flots jaillir les harmonies.
Son cœur, ouvert dans l’ombre, exhalait des accents
Qui coulaient dans le mien sans passer par mes sens ;
La brise entre les pins, l’onde au fond des abîmes,