Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et des grands horizons la paix insinuante
S’épanchait de sa face et de sa voix calmante ;
Et pourtant Hermia, cet être pur et doux,
A connu la douleur et pleuré comme nous !

Parfois, près d’elle assis sous un tranquille ombrage,
Et respirant le calme empreint sur son visage,
J’ai, dans nos plus beaux jours, vu ses yeux adorés
De sinistres vapeurs se charger par degrés.
Telle agitant les flots la flamme sous-marine,
Un orage étouffé soulevait sa poitrine ;
Les soupirs, les sanglots, les mots tumultueux
Sortaient sourds et pressés, et les pleurs, après eux.
De ses yeux obscurcis qu’en vain ma lèvre essuie,
En allégeant son cœur, tombaient comme une pluie.
Et moi, non sans terreur, apaisant ses esprits,
Je cherchais le secret de ce trouble incompris ;
La nature, bientôt m’expliquant cet orage,
M’en montrait dans son sein et la cause et l’image.

Un nuage amassant la foudre et les éclairs
Déploie avec lenteur ses flancs noirs dans les airs ;
Les forêts devant lui, de leur frisson sonore,
Tremblent comme Hermia sans qu’un vent souffle encore ;
Il éclate, et soudain à torrent sur les bois
L’eau, la grêle et le feu descendent à la fois ;
Le tonnerre grondant sur les hauteurs prochaines
Fait voler en éclats le granit et les chênes.
Adieu feuilles et fruits, et vignes et moissons,
Dans les sillons fangeux broyés par les glaçons ;
Sur les monts décharnés, de pierres et de branches
Les eaux avec fracas roulent des avalanches.