Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/313

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Connais mieux ce vain peuple et supporte les guides,
Qu’à sa fougueuse ardeur ont donnés les destins.

Ces tyrans ne sont point sans gloire et sans sagesse ;
Nous régnons sous leur joug, les premiers de la Grèce.
Usons d’eux à loisir, sans les jeter à bas,
Leur sachant quelque gré du mal qu’ils ne font pas ;
Et moins libres qu’avant, mais riches et tranquilles.
Jouissons du repos, le plus grand bien des villes.


ARISTOGITON.

Ce repos sous le joug, c’est la paix de la mort,
C’est le calme fangeux d’une eau sombre qui dort,
C’est l’immobilité de l’impur marécage,
Où le reptile éclôt, d’où le venin surnage.
Ce sommeil des esprits et des flots sans rumeurs
Souille la terre et l’air, empoisonne les mœurs ;
Les feuilles des forêts dans ce bourbier jetées,
Les âmes des vivants y meurent infectées.


LE CHŒUR.

Le mal dont tu gémis est vieux dans la cité ;
C’est lui qui fait, partout, mourir la liberté.
Ce règne environné d’infections mortelles
N’a pas créé nos mœurs, il est engendré d’elles.
Nous croupissions déjà dans un impur marais ;
La fange naît d’abord, et Python vient après…


ARISTOGITON.

Et l’hydre aux longs replis à nos membres se noue,
Chaque jour nous tirant plus au fond de la boue.