Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/35

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Et le miel abondant, les fruits, l’ombrage frais,
Les bruits mélodieux s’épanchent des forêts.
Par tous les habitants de l’air, des mousses vertes,
Les mêmes amitiés à l’âme sont offertes.
Pourquoi rester muette à leur appel joyeux ?
Psyché, mille regards sollicitent tes yeux.
Pourquoi marches-tu seule, et de larmes baignée,
Sans un mot pour ta mère, avec eux dédaignée ?
Vois : la terre sourit d’un rire bienveillant
Comme tu souriais toi-même en t’éveillant.
Vallon qu’elle admirait, nature toujours belle,
Quel nuage entre vous et Psyché s’amoncelle ?
Charme des premiers jours, qu’êtes-vous devenu ?
Ah ! c’est qu’elle a senti l’attrait de l’inconnu !
Ce monde est à ses yeux caché par l’invisible ;
Elle a voulu connaître… Aimer n’est plus possible !

Près d’elle chaque soir Éros vient se poser ;
Douce est toujours sa voix, et plus doux son baiser !
Mais Psyché, froidement, l’a reçu sans le rendre,
Sans réjouir l’amant d’une parole tendre.
Et ne songe, malgré le châtiment prédit,
Qu’à voir l’époux mystique à ses yeux interdit.

Quelquefois, pour donner le change à ses pensées,
À travers la nature, en fougues insensées,
Elle répand son âme. Au fond des horizons,
Aussi loin que le jour peut darder ses rayons,
Elle aspire, elle vole, et son esprit se pose
Sur les monts d’où descend l’aurore aux pieds de rose,
Ses yeux suivent les flots dans les gouffres roulants ;