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ISMÈNE.

Suis plutôt les conseils de mon amitié sainte.


HARMODIUS.

Ne me conseille pas la honte et le remord.


ISMÈNE.

Sais-tu, si je te perds, ce que j’attends du sort ?
Quel n’est point mon malheur ? l’esclavage, peut-être,
Va condamner ta sœur aux caprices d’un maître,
Et dégrader en moi le sang de nos aïeux.
Ah ! que l’ombre du Styx couvre plutôt mes yeux :
Peut-être, à l’étranger vendue, et loin d’Athènes,
J’irai remplir l’amphore à de tristes fontaines,
Et, filant jusqu’au soir la toison des brebis,
Préparer humblement sa couche et ses habits.
L’esclave perd, dit-on, la moitié de son âme :
Ah ! plus que la moitié, grands dieux ! quand il est femme
Toi mort, si je survis, crois-tu que l’oppresseur
Ne se vengera pas du frère sur la sœur,
Imaginant pour elle, en sa haine sauvage,
Le plus cruel supplice entre tous : l’esclavage ?
Tel sera mon destin. Ô mon frère, veux-tu
Causer ma honte au prix de ta fausse vertu ?


HARMODIUS.

Des jours qu’à son fuseau la Parque lui dévide
Nul ne choisit l’or pur ou le chanvre livide.