Page:Laprade - Œuvres poétiques, Psyché, Lemerre.djvu/61

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Achevant du bûcher les magiques apprêts,
Ils rangeaient vers l’autel les haches et les urnes.
Psyché seule, au milieu des captifs taciturnes,
Aux lueurs du passé rêvant des dieux meilleurs,
Résistait à son sort par l’espoir et les pleurs.


PSYCHÉ

« Près de mourir ainsi, qu’ai-je vu dans moi-même ?
Des fleurs, un jeune dieu qui me parle et qui m’aime,
Me dit que je suis belle, et qu’il est mon époux.
Son haleine est suave et ses regards sont doux.
Dieu paisible, dieu bon, oh ! n’es-tu rien qu’un songe ?
Avant que dans mon sein le fer cruel se plonge,
Pourquoi ces frais pensers, ces paroles d’amour,
Si de chair et de sang Dieu vit comme un vautour ?
Où donc est ce jardin qu’un si beau fleuve arrose,
Si l’horrible douleur règne sur toute chose !
Quel dieu peut accomplir cet espoir que je sens ?
Les dieux bons sont vaincus par les dieux plus méchants,
Le mien a succombé, l’autre est là dans sa joie,
Et le mal éternel a faim d’une autre proie.
Je te cède ma vie, et meurs sans murmurer ;
En la quittant, hélas ! je n’ai rien à pleurer.
Tous les hommes au front sont marqués par la haine,
Et le poison entre eux s’échange avec l’haleine.
C’est la même discorde entre chaque élément.
Moi, par eux tous, hélas 1 je souffre également ;
La terre sous mes pas frémit pour me maudire,
Et je n’ai vu qu’en songe un être me sourire.
Vienne, vienne la mort ! Mais si tout doit finir,
Que fais-tu dans mon cœur, ô divin souvenir ?