Page:Laprade - Poèmes évangéliques, Lévy, 1860.djvu/66

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A peine des humains sais-je encor le visage.
Donne-moi mon salaire après ce dur voyage,
Découvre-moi ta face, et ces lèvres d’où sort
Un souffle nourricier plus puissant que la mort. »

— « Que veux-tu ? je n’ai pas de lèvres ni de face.
Renonce à me trouver dans un coin de l’espace ;
Je n’habite pas l’antre, ou le cèdre, ou le puits.
Tes bras s’ouvrent en vain pour me saisir ; je suis
Plus prompt que le simoun, et plus insaisissable
Que n’est dans un rayon l’atome ailé du sable,
Plus subtil que le feu, plus transparent que l’eau,
Plus fluide que l’air agité par l’oiseau.
Touche, là-haut, des nuits les blanches étincelles ;
Moi je suis plus lointain, plus innombrable qu’elles.
Enlace dans tes bras le désert ou les mers,
Moi je suis plus grand qu’eux, plus un et plus divers ;
Je suis plus beau, je n’ai ni couleur ni figure.
Qui prétend m’avoir vu commet une imposture.
Reste mon serviteur ; écoute ; obéis-moi,
Moi, lorsque tout se tait, qui retentis en toi…
Si tu pouvais me voir, c’est à l’heure suprême
Où, fermant tes deux yeux, tu plonges dans toi-même. »

— « Pour vous suivre, ô Seigneur ! de ces sables mouvants