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CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE

dément tu es malade, papa, ou bien il se passe ici quelque chose d’extraordinaire, je veux savoir quoi… Si tu ne le dis pas, j’entre.

— Oh ! tu peux bien entrer, j’ai fini de m’habiller. Elle se précipita dans la chambre de son père, au moment où il venait de prendre, dans le tiroir de sa table, un vieux portefeuille rouge, abandonné depuis quelque temps, mais qui lui servait autrefois à mettre de l’argent, des valeurs.

— Tiens ! est-ce qu’il y a encore quelque chose là dedans ? demanda-t -elle.

— Hélas ! non, répondit-il, en faisant remarquer à Jeanne que le portefeuille était d’une platitude désespérante.

Elle détourna dédaigneusement la tête et Guérin, profitant de ce mouvement, glissa le porte-feuille dans une des poches de sa redingote.

Décidément, le père avait un secret pour la fille. Mais, malgré toutes les questions, les menaces, les cajoleries de Jeanne qui se doutait de quelque chose, il resta muet, inébranlable.

— Ce soir, à dîner, tu sauras tout, dit-il. Jusque-là rien… rien, je me le suis juré. Et quand le brave capitaine avait fait un serment, sa fille elle-même ne l’aurait pas décidé à y manquer. Jules Guérin rentrait après sa longue absence. Arrivé au boulevard Bessières, il payait la voiture qu’il avait prise, traversait son jardin et pénétrait dans la maison. A peine eut-il fait quelques pas dans le vestibule que sa fille, qui l’avait entendu, se précipita sur lui, appliqua deux gros baisers sur chacune de ses joues et l’entraîna dans la petite salle à manger.

— Viens admirer mon dessert, lui dit-elle. Le capitaine regarda : au milieu de la table, sur une nappe bien blanche, se dressaient deux pyramides de